Le journal de Dédé (André le philosophe) chez Pharaon, S1E2
S1E2
Hier, nous avons commencé la journée par la visite du musée nubien d'Assouan..., et pour nous y rendre, dès la descente de la passerelle du bateau sur le quai, un conducteur de calèche ouvre une négociation qui durera pendant toute la course, aller et retour. Même après une entente entre nous et lui, il n'a de cesse de vouloir renégocier, allant même jusqu'à nous demander un bakchich pour le cheval ! Nous n'avons pas cédé. Un bêlement confus me fait lever la tête, c'est le troupeau de moutons qui repasse devant le bateau pour disparaître ensuite dans une ruelle s'enfonçant dans la ville, toujours aussi compact dans son instinct grégaire ranimé par le berger veillant à sa cohésion. En arrivant au musée, et derrière son guichet très étroit, un homme fort gentil ne peut nous rendre la monnaie sur le paiement du billet d'entrée. Dans une boîte en fer blanc, en partie rouillée lui servant de caisse, deux ou trois billets ne lui permettent pas de faite l'appoint. Il nous enjoint de repasser à la sortie du musée afin de récupérer les trente livres (10 LE = 1€) qu'il nous doit, ce que nous ferons, avec succès et sourire de la part de l'employé.
Le musée nubien date de 1997, moderne, vaste, aéré et climatisé, il recelle des trésors sur l'histoire de la Nubie et sur ses habitants, considèrés comme les "vrais" égyptiens avant les diverses invasions, arabes en particulier. La plupart ont été déplacés ou chassés par l'inondation et les différents barrages sur le Nil. La Nubie a été coupée en deux et partagée entre le Soudan au Sud et l'Égypte au nord. Comme partout, nous sommes peu nombreux, une dizaine environ, à visiter cet endroit remarquable et de toute façon moins nombreux que le personnel du musée ! En sortant dans le jardin magnifiquement décoré, la chaleur de la fin de matinée nous saisit brutalement nous obligeant à renoncer à le visiter plus avant et nous décidons de retourner au bateau. Notre cocher nous attend à l'ombre d'un arbre, un verre de thé à la main, et la négociation reprend... Pour nous amadouer, il emprunte un autre chemin de retour que celui de la corniche qu'il a emprunté à l'aller. De rue en rue, il s'arrête bientôt devant une boutique d'épices qu'il veut nous faire visiter prétextant de devoir donner à boire à son cheval..., pendant cette halte. Nous refusons en lui demandant expressément de nous ramener au bateau, ce qu'il fait en maugréant sans doute en son for intérieur. La chaleur commençe à devenir insupportable, le thermomètre, ce jour-là devant monter jusqu'à 45° à l'ombre.
Pendant la sieste obligatoire ou du moins rendue indispensable dans notre cabine rafraîchie par l'air conditionné, le bateau a appareillé, quittant Aswann ou Assouan en début d'après midi en direction Kom Ombo. En arrivant sur le site du temple, un vent brûlant nous accueille, tel un souffle sortant d'un four, même l'ombre n'apporte pas d'accalmie à l'étouffante chaleur ambiante. L'accostage du bateau fait surgir une nuée de vendeurs de produits artisanaux multiples et variés, nous pressant de les acheter et nous accompagnant jusqu'à l'entrée du temple et à notre retour, jusqu'à la passerelle du bateau.
Puis nous repartons en direction de Louxor... À l'écluse d'Esna, ils sont encore là, gesticulant et criant du quai ou de barques colorées, rentrant même dans l'écluse avec le bateau...
Jeudi, nous sommes à Louxor. Le bateau est amarré à un autre bateau en tous points identique au nôtre comme aux centaines d'autres qui proposent la croisière sur le Nil, mais qui, pour le moment ne circulent plus. Il n'en reste qu'une trentaine en fonctionnement, car les touristes manquent à l'appel depuis trois ou quatre ans. Un paysage de désolation que ces bateaux entassés les uns contre les autres : à quai, ils peuvent être cinq ou six de front, voire plus ; ils sont "squattés" par les membres de l'équipage et ou par les gardiens ; les installations intérieures sont délabrées sinon endommagées, la moquette des couloirs est arrachée, le mobilier entassé dans les coins, la poussière et la chaleur rendent l'atmosphère étouffante dans ces endroits mal aérés ou clos. Des couchettes improvisées jonchent le sol du hall d'accès que nous devons traverser pour rejoindre notre bateau ou pour en sortir ; impression d'abandon fatal, exemple parmi tant d'autres des conséquences de la désaffection du tourisme international à l'égard de ce pays sans parler des pertes financières de ce qui constitue ou constituait la troisième source de revenu national... Les installations sont abandonnées du fait de la rareté de leur fréquentation, seuls les temples restent immuables dans leur beauté classique et inaltérable ; que de siècles et de millénaires ils ont franchis, et même déplacés comme ceux de Philaé ou d'Abou Simbel, ils sont majestueusement beaux, témoins d'une époque, oh combien révolue de la grandeur de cette civilisation à qui nous devons tant de choses et qui nous a laissé tant de trésors...