Je suis Charlie
Comment rester muet devant cet assassinat ? Comme nombre d'entre ceux de ma génération, je fus un lecteur de Charlie Hebdo, né dans la mouvance des années 68... Pendant de très nombreuses années, je courais au kiosque le mercredi pour l'acheter. D'abord la première page, puis la bande dessinée de Reiser et puis les articles et les dessins de tous les autres dont certains sont morts dans ce carnage innommable. Dans cette satirique impertinence et cet humour dépravé, il y avait du vrai, du vraiment vrai pertinent et désintéressé, mais politiquement souvent incorrect. Peut-être que la vérité crue irrite et que le prosélytisme religieux, de quelque bord soit-il, ne s'en accommode pas. Le fanatisme religieux tue plus qu'il ne rend heureux les populations. Dans ces guerres de religion, la plus grande crainte est la perte de la liberté de penser et de vivre selon ses propres croyances. Seules la tolérance et l'altérité seront des moteurs efficaces pour la survie des peuples. La vengeance et la violence alimentent le cycle infernal des conflits. Sachons nous y opposer afin d'éliminer naturellement ces haines sur la terre, tout petit grain de sable dans l'univers, que nous partageons. Jamais aucun conflit n'a résolu de véritable problème humain. Sachons aussi faire preuve d'humilité et d'auto-critique par un véritable acte de conscience "humanitaire" et sachons aussi reconnaître nos éventuelles fautes dans tout ce qui nous arrive.
Je me souviens de la Une d'un Charlie Hebdo quand j'étais encore chez mes parents..., et que j'avais collée sur la porte des WC : on voyait un type sur sa cuvette de ch... en train de lire un journal dont la couverture était couverte de titres tragiques : guerres, assassinats, famines, maladies, etc..., et dans la bulle le mec soupirait : "y'a qu'ici qu'on est bien !" À l'époque ça m'avait beaucoup frappé. On pouvait réfléchir à cette remarque quand on était dans la même situation, c'était quelque part comique. Cette Une est restée, plusieurs années, affichée à l'intérieur de la porte, puis mon père a dû la sous-traiter. Je ne sais pas ce qu'en ont pensé tout ceux qui sont passés là ou je ne m'en souviens plus...
Il est naturellement bien difficile de raisonner rationnellement à la suite d'un drame de cette importance. Que les coupables soient punis, naturellement, mais réfléchissons ensuite à comment se comporter individuellement et collectivement vis-à-vis de cette notion de tolérance qui doit façonner notre regard sur l'Autre, nous permettant tous de vivre dans une relative harmonie.
Cabu, Charb, Tignous, Wolinski, mais aussi Bernard Maris, les dessinateurs Bernard Verlhac et Honoré, le correcteur Mustapha Ourrad, la psychanaliste et chroniqueuse Elsa Cayat, Michel Renaud (ancien directeur de cabinet du maire de Clermont), les deux policiers Ahmed Merabet et Franck Brinsolaro, ainsi que l'agent d'entretien Frédéric Boisseau.