Санкт Петербург
Quatre jours intenses dans un climat presque acceptable mais pas de soleil sans vent glacial et parfois un peu de gris dans le ciel. Églises, toutes plus baroques les unes que les autres, de l'or à profusion, le musée de l'Ermitage, évidemment, le Musée russe, les palais d'hiver, d'été, de Youssoupov, le métro, les restaurants, le boeuf Stroganoff, le tout sous la houlette bienveillante, attentive et merveilleusement documentée de notre guide, la précieuse Olga.
Premier soir, après une visite succincte de la ville en bus, près de l'hôtel, nous découvrons une librairie ouverte 24 yacca (prononcer iassa, ouverte 24/24). Et oh ! miracle, dans les rayons, de quoi enrichir notre nouvelle collection :
Марсль Пруст В СТОРОНУ СВАННА
DEVINEZ ! La première phrase de КОМБРЕ :
Долгое время я ложился спать рано.
Traduction Google : Pendant longtemps, je suis allé au lit tôt.
Traduction Reverso, la plus savoureuse : La longue période de temps j'est allée se coucher tôt.
Traduction Online Translator : Longtemps je me mettais au lit tôt.
Eh oui, après la version turque, l'italienne, voici la version russe (572 roubles, soit environ 11€).
Deuxième jour, départ à 9 heures 30, nous commençons par le monastère et l'église de Smolny. Cette institution, créée par Catherine II la Grande sur le modèle de la Maison Royale de Saint-Louis à Saint Cyr par Madame de Maintenon. Bleu turquoise, c'est la couleur de cet ensemble. Les tuyaux de descente des eaux (ils sont tous sur le même modèle à Saint Petersbourg) sont un peu plus foncés que les murs et scandent les façades.
Après la punta della dogana, ou plutôt la pointe de l'île Vassilievski avec ses deux colonnes rostrales, c'est la forteresse Pierre et Paul, qui fut le premier noyau de la ville, fondée par Pierre le Grand en 1703, sur l'île aux Lièvres. Le plan de cette forteresse est du modèle Vauban. Le sol est constitué de gros galets, les pierres d'octroi. Pour construire sa ville, Pierre le Grand demandait à tous ceux qui entraient à Saint Petersbourg de payer une sorte d'impôt : des pierres en plus ou moins grande quantité selon les cas. Un voyageur seul, une pierre, un attelage, dix pierres, un bateau, beaucoup plus, cent pierres. L'église, débauche d'or et d'architecture baroquissime, abrite les tombeaux de tous les Romanov. Une chapelle a été aménagée lors du rapatriement des restes du dernier tzar, Nicolas II et de sa famille en 1998 en présence de Boris Yeltsin, on n'est pas à une contradiction près... Le patriarche de l'église, le Métropolite a cependant refusé de reconnaître dans ces ossements les reliques des derniers Romanov. Retrouvés dans une fosse commune, ces restes sont en effet sujets à caution et les analyses diligentées à ce jour ne sont pas très concluantes. Ils sont tous là ou presque dans leur cénotaphe de marbre blanc, simplement recouvert d'une croix orthodoxe dorée. Un magnifique carillon égrène les heures et à midi, tous les jours, le canon tire un coup à blanc, tradition depuis la création de la ville, sauf quelques années pendant le régime communiste.
Restaurant le 1913 (avec l'inévitable boeuf stroganoff) puis le morceau de choix, le musée de l'Ermitage. Comme dans tous les restaurants et musées, la cérémonie commence par le vestiaire où il est obligatoire de laisser son manteau. Et c'est bien car partout, même dans les églises, il fait une chaleur torride. Le chauffage ne coûte pratiquement rien ici : de grosses centrales fournissent en effet l'eau chaude à toute la ville qui en use et en abuse. L'Ermitage, nous en avions rêvé, Olga l'a fait. La visite commence par les Rembrandt. Ceux qui sont ici complètent merveilleusement ceux de notre récente escapade à Amsterdam. Il y a aussi les Italiens, les Vénitiens, les Espagnols, les Anglais, les Français, les Hollandais, etc. L'Ermitage et le Louvre se disputent la place de plus grand musée du monde. Fondé par Catherine la Grande, il était au départ le musée privé de la cour impériale. Les collections sont regroupées dans cinq bâtiments, le Palais d'Hiver, le petit Ermitage, le vieil Ermitage, le Palais d'Hiver de Pierre 1er et le nouvel Ermitage. Plusieurs kilomètres de couloirs, trois millions d'oeuvres. Olga nous a donné comme mesure que si l'on voulait tout voir, à raison d'une minute par oeuvre, de huit heures par jour et de sept jours par semaines, il faudrait dix ans pour en venir à bout. Nous n'y sommes restés que deux fois quatre heures. Inutile de dire les frustrations quand nous sommes par exemple passés devant Goya et Ribera au pas de course. Le tout est exposé dans une débauche d'or, de parquets en marqueterie, de décors en malachite, de portes en bois précieux. Voltaire a laissé beaucoup de traces à Saint Petersbourg. Catherine II, ayant fait l'acquisition de sa bibliothèque juste après sa mort, avait pour projet de faire construire la réplique du château de Ferney à Tsarskoie Selo pour l'abriter. Ce projet n'aboutira pas. Diderot, quant à lui, a vendu sa bibliothèque de son vivant, en en gardant toutefois l'usufruit.
L'incroyable pendule automate
La journée n'était pas terminée : nous avons assisté à un morceau d'office religieux à la cathédrale Notre Dame du Kazan. Grande dévotion. À l'entrée tout le monde se signe plusieurs fois. Entre chaque signe de croix, on se baisse pour toucher le sol. Les femmes se couvrent la tête, les hommes se découvrent. Une file d'attente se forme pour embrasser l'icône de Notre Dame de Kazan. De très jeunes filles, belles, couvertes et perchées sur des talons de dix centimètres attendent, recueillies, patiemment leur tour. L'iconostase est ouverte, le pope officie accompagné de chants.
Enfin, repas au café littéraire (КАФЕ ЛИТЕРАТУРНОЕ) où il n'y en a que pour Pouchkin (ПУШКИН), retour en plongée dans le métro où l'on peut admirer une curiosité : un des très très rares portraits de Staline (ils ont tous été détruits) sur un bas-relief. Il apparaît de profil, derrière Lénine.
Après une nuit difficile (il y a eu des travaux dans la cour jusqu'à une heure avancée de la nuit), nous entamions la deuxième journée avec le musée russe. Grandiose. De la peinture d'icônes à Malévitch. Les russes sont passés de la peinture d'icônes à une peinture plus diversifiée, sans transition, au XVIIIe siècle. Et comme dit Olga, il y avait beaucoup de travail pour rattraper les années perdues et s'aligner sur les peintres européens. On reconnaît les influences françaises, hollandaises, italiennes...
Le musée russe est abrité dans le palais Saint Michel, résidence du tzar Paul 1er le mal aimé. Fils de Catherine II mais dont le père est contesté (peut-être un des amants de Catherine, Saltykov). Catherine pensait son fils incapable de gouverner et voulait mettre sur le trône son petit-fils, Alexandre. Mais elle meurt avant d'avoir organisé sa succession et c'est Paul qui monte sur le trône. Son gouvernement est contestable et contesté. Une conspiration aboutira à son assassinat. Une histoire raconte qu'une voyante avait prédit à Paul qu'il vivrait encore autant que le nombre de lettres au fronton de son palais. Sur ce fronton, il y a 40 lettres (si l'on omet les signes durs ou mous). Paul pensait vivre encore 40 ans, mais ce furent 40 jours. La voyante n'avait pas précisé l'unité de mesure. Devant le palais, la statue équestre de Pierre 1er.
Une autre statue équestre : celle d'Alexandre Nevski dont le cheval porte une botte. Ce cheval était le préféré d'Alexandre et il mourut lors d'une bataille. Lorsqu'on l'enterra, Alexandre jeta une de ses bottes dans la fosse. C'est ce que le sculpteur a voulu rappeler.
Puis apparaissent les scènes de genre, les portraits, des scènes tirées de l'antiquité, toutes choses qu'il était interdit de représenter avant Pierre 1er.
Pyotr Konchalovsky, portrait de famille (1911) - Ce tableau me fait penser à la famille Soler de Picasso
Le restaurant est tout proche de l'église du Saint Sauveur sur le Sang Versé édifiée en l'honneur d'Alexandre II qui fut assassiné à cet endroit. Nous n'y sommes pas entrés mais l'extérieur à lui seul vaut le détour. Cela ressemble plus à un palais des mille et une nuits qu'à une église. Cabochons et turbans multicolores, or bien sûr, c'est Disney !
Départ en bus pour Peterhoff, la résidence d'été des Romanov. Presque entièrement détruite par les allemands lors de la seconde guerre mondiale, elle a été reconstruite à l'identique. Les décombres ont livré des morceaux de soie, de moulures, de parquet, les plans et dessins ont permis de compléter la reconstitution. Le tout a été financé par la Russie soviétique...
Débauche de statues en or, de jets d'eau dont la particularité est qu'ils fonctionnent sans pompe, sur le principe des vases communicants. Un canal relie le château au golfe de Finlande. À l'entrée se trouve un dôme surmonté d'un aigle à trois têtes dont on ne voit que deux quelque soit l'angle de vision. Succession de pièces classiques et baroques, salons chinois ; tout y est chauffé par de magnifiques poêles en faïence.
Nous avons écourté la visite du parc et avons paressé devant les jets d'eau.
Retour et dîner à l'hôtel.
Samedi matin, visite du monastère Alexandre Nevski et surtout du cimetière. Tous les grands noms de la poésie, de la littérature, de la musique, de la peinture, de la danse y sont représentés. C'est un peu le Père Lachaise de Saint Petersbourg. Un peu tristounet sous la grisaille mais promenade passionnante.
Toute sa vie, il s'est considéré comme un étranger. Voici ce qu'il disait :
« Les Russes me qualifient d'Allemand, les Allemands de Russe, les juifs de chrétien et les chrétiens de juif. Les pianistes me considèrent comme un compositeur, les compositeurs comme un pianiste, les classiques comme un moderne, les modernes comme un réactionnaire. Ma conclusion est que je ne suis qu'un pitoyable individu ».
Il n'a pas de lien de parenté avec Arthur Rubinstein, pas plus qu'avec Ida, la ballerine.
Restaurant italien à midi : le Romeo ! Puis retour à l'Ermitage pour l'exposition temporaire sur le Trésor des Scythes. Exposés dans un quasi coffre fort, bijoux, couronnes et objets de prestiges exécutés pour beaucoup par des orfèvres grecs. Ces objets retrouvés dans des tumuli ou korriganes, les tombes des Scythes ayant échappé au pillage, dont dans un état de fraîcheur inouï. Certaines techniques n'ont jamais pu être reproduites de nos jours. Finesse, élégance, beauté. Ce peuple nomade, originaire d'Asie centrale, connut son apogée entre les VIIe et IIe siècles avant J.C. On les connaît relativement bien grâce aux textes d'Hérodote.
Voici le mythe de Scythès, tel que nous l'a raconté la vieille dame de l'Ermitage (traduit du russe par Olga et retrouvé sur wikipedia) :
"Lorsque le héros Héraclès se fut accouplé avec le monstre Échidna, cette dernière mit au monde trois garçons. Puis vint le moment pour Héraclès de continuer sa route. Mais le jour du départ, Échidna demanda à son amant ce qu’elle devrait faire de leurs enfants, une fois parvenus à l’âge d’homme. Héraclès prit l’un de ses deux arcs et son baudrier qu’il donna à Échidna. Il ajouta que celui des trois qui parviendrait à positionner le baudrier et à bander l’arc comme lui-même le faisait, deviendrait le roi du pays. Les deux autres frères devraient alors s’exiler. Arrivés à l'âge d'homme, Échidna rassembla ses trois enfants, Agathyrsos, Gélonos et Scythès. Le test pouvait alors commencer. Seul Scythès parvint à réussir les deux épreuves. Comme l’avait exigé Héraclès, Échidna donna le pouvoir suprême au vainqueur, tandis que ses deux autres enfants s’exilèrent. À ce moment, Scythès donna son nom à cette région et à son peuple."
Un récipient dans lequel les chefs mélangeaient leur sang avant de le boire. Ils devenaient alors plus que frères
Puis dans le nouvel Ermitage, très récemment installé, visite de la galerie des impressionnistes. Ils sont tous là, les Monet, Manet, Gauguin, Van Gogh, Vuillard, Sisley, etc. etc. Le musée d'Orsay a même prêté temporairement le Moulin de la Galette qu'on ne peut hélas pas photographier. Un petit regret, les Matisse n'étaient pas visibles.
Après ce marathon, une dernière église, Saint-Nicolas des Marins. René y est allé seul, Catherine n'en pouvait plus. Elle est restée dans le bus pour faire un dessin.
Après un excellent repas arrosé de vodka au restaurant très branché Le Théatre, nous sommes rentrés en métro.
La dernière matinée fut consacrée à la visite du palais Youssoupov, famille richissime qui a tout perdu ou presque en 1917. C'est dans ce palais que fut assassiné Raspoutine, dans la nuit du 29 au 30 décembre 1916, dans des conditions rocambolesques. Alexis Youssoupov, le fils de la famille, fut un des conjurés. Le poison contenu dans les gâteaux, du cyanure, n'eut aucun effet sur Raspoutine. Une balle de revolver tirée en plein coeur le terrassa. Le médecin, un des conjurés constate sa mort mais quelques minutes plus tard, Raspoutine ouvre les yeux et se relève. Une lutte s'engage alors avec le prince Alexis qui réussit à s'enfuir dans l'escalier. Raspoutine s'échappe et sort du palais, poursuivi par ses assassins. L'un d'eux finit par lui mettre une balle à bout portant dans le front. Son corps est traîné jusqu'à un pont d'où on le jette dans un trou au milieu des glaces de la petite Neva. Mais l'eau retrouvée dans ses poumons prouve qu'il respirait encore lorsqu'on l'a jeté dans l'eau glacée. Les chaînes qui devaient empêcher le corps de remonter avaient été oubliées et le corps remonta très vite à la surface. En un mot, ces conjurés n'étaient pas des assassins confirmés. Les auteurs du meurtre ne purent garder le silence. Mais, malgré une demande de condamnation à mort de la tzarine dont Raspoutine était le protégé, ils subirent une peine mineure : ils furent exilés ou assignés à résidence.
Palais Youssoupov, le salon de musique en bouleau de Karelli (aussi cher que l'or) et la bibliothèque où nous avons trouvé une collection de la Revue des deux Mondes
En vrac, un des lieux où Dostoievsky a vécu, des enseignes, Jaeger Lecoultre, MacDo, un rassemblement de bikers devant l'Ermitage : c'était le week-end du 1er mai...
Après un pique-nique dans le bus qui nous emmenait à l'aéroport et des adieux touchants à Olga, nous sommes montés dans l'avion où un jeu de chaises musicales se poursuivit jusqu'après le décollage car les couples étaient presque tous séparés.