L'Accademia en quelques tableaux

Publié le par kate.rene

Lors de chaque voyage, nous allons nous recueillir devant les merveilles de ce musée. Loin de la foule bien qu'à un endroit très fréquenté du Dorsoduro, l'Accademia est presque toujours déserte. Et pourtant que de grands noms. Carpaccio, Bellini, Giorgione, Titien, Tintoret, Véronèse, Lotto, etc.

Nous avons choisi quelques morceaux de choix, pas nécessairement les plus célèbres pour vous faire partager virtuellement ce bel endroit.

L'Accademia en quelques tableaux

Première salle de l'Accademia, pour nos amis d'Intermèdes, deux images. Tout d'abord une vierge de Miséricorde, de Jacobello del Fiore (dont on a des traces à Venise de 1401 à 1439). Elle protège l'humanité sous son manteau.

Elle est ici représentée entre Saint Jean Baptiste et Saint Jean l'Évangéliste. Au dessus, dans les deux petits macarons, une annonciation.

L'Accademia en quelques tableaux

École vénitienne, seconde moitié du XIVe siècle. Ce détail fait partie d'un triptyque avec au centre le couronnement de la vierge et de chaque côté, des scènes de la vie du Christ. Celle que j'ai choisie est l'ultima cena. Certes, Jean était l'apôtre préféré du Christ, mais quelle position ! Le Da Vinci code de Dan Brown nous avait appris que Jean n'était autre que Marie-Madeleine, l'épouse du Christ... Cette représentation pourrait bien en être l'illustration ! Mais je plaisante.

L'Accademia en quelques tableaux

Jacopo Robusti detto il Tintoretto (Venise, 1519-1594)

San Marco libera uno schiavo (San Marco libère un esclave)

Ce tableau vient de la Scuola di San Marco et fut "emprunté" par le brigand corse puis après un court passage au Louvre fut restitué en 1818 avec de nombreuses autres oeuvres qui avaient suivi le même chemin.

Ce fut la première oeuvre exécutée par Tintoret pour la salle capitulaire de la Scuola Grande di San Marco, aujourd'hui siège de l'hôpital civil de Venise.

La peinture saisit le moment culminant du miracle raconté dans La Légende Dorée de Jacques de Voragine : un esclave, condamné par son maître à avoir les yeux crevés et les jambes découpées en morceaux pour avoir osé se rendre près du corps de San Marco, sans sa permission, gît nu à terre, attendant que s'accomplisse l'atroce torture. Grâce à l'intervention du saint, toutefois, les instruments du supplice volent en éclats et l'esclave est sauvé ! L'attention de la foule présente se concentre sur le geste démonstratif du bourreau, lequel, théâtralement, montre les instruments brisés au maître stupéfait de l'esclave.

Le personnage barbu qui se penche à l 'extrême gauche de la scène est identifiable : il s'agit de Tommaso Rangone*, médecin de Ravenne qui fut en 1562 "Guardian Grande" de la Scuola.

La scène est conçue comme une représentation théâtrale et se compose d'une architecture en cinq parties illuminée d'une lumière diffuse d'après-midi et d'un premier plan éclairé par une lumière directionnelle venant de la droite, créant ainsi des contrastes de clair-obscur qui allument les nuances de chaque couleur, donnant de la vigueur aux personnages. Le merveilleux et la stupeur ne viennent pas seulement de l'expression des visages mais aussi des gestes, du dynamisme et de la torsion des corps, ce qui montre un intérêt pour les valeurs plastiques que l'on retrouvera plus tard dans les oeuvres de Michel-Ange, Raphaël et Giulio Romano.

L'oeuvre, par son agitation dramatique et sa charge expressive révolutionnaire a émerveillé et déconcerté les contemporains.

Probablement commandée en 1547, le tableau devait déjà être terminé en avril 1548 quand l'Aretin, écrivant à Tintoret, louait les valeurs plastiques et coloristes de l'oeuvre, qui la rendait ainsi "cosi simile al vero".

Détail, le bourreau

Détail, le bourreau

Ce Tommaso Rangone, dont nous avons déjà parlé lors d'un précédent voyage était un personnage très sûr de lui. Il prétendait que sa bibliothèque était une des sept merveilles du monde. Il a ramené d'Amérique du Sud une plante sensée guérir de la syphilis. Sa statue sur la façade de l'église San Giuliano le montre avec un rameau de cette plante dans la main droite.

L'Accademia en quelques tableaux
Cima da Conegliano

Cima da Conegliano

Giambattista Cima da Conegliano (1459/60-1517/18)

Cristo in pietà sostenuto dalla Madonna, Nicodemo e san Giovanni Evangelista con le Marie

Cette descente de croix nous a toujours fascinés. Tout d'abord parce que nous aimons Cima da Conegliano dont nous avions vu une rétrospective au musée du Luxembourg. Parce que Cima aime les hommes qu'il représente toujours très beaux. Le petit Jésus dans les bras de sa mère est toujours un vrai bébé, beau et bien proportionné, il y a tellement de vilains bambins dans les tableaux religieux...

Et puis sa vie est un mystère. Il aurait été élève de Bellini, comme Giorgione. On lui attribue une centaine d'oeuvres dont plusieurs sont à l'Accademia (ne pas manquer l'incrédulité de Saint-Thomas avec les veines bleutées du front de Thomas, contracté par le doute.

Un Jésus de Cima

Un Jésus de Cima

L'incrédulité de Saint-Thomas, Cima da Conegliano, Accademia

L'incrédulité de Saint-Thomas, Cima da Conegliano, Accademia

Hans Memling, portrait d'un jeune homme (1475/80)

Hans Memling, portrait d'un jeune homme (1475/80)

Hans Memling (1435/40-1494)- Bruges

Avant de créer son propre atelier, il travaille dans celui de Rogier van der Weyden dont on ressent l'influence dans beaucoup de ses oeuvres.

Certains racontent qu'il aurait pris part au siège de Nancy en 1477, au cours duquel est mort Charles le Téméraire.

Outre de nombreux tableaux religieux, Memling a peint énormément de portraits, souvent de commandes. On ne sait rien du jeune homme représenté sur ce tableau. Une main est posée sur le cadre, et en regardant de près (ce que l'on peut faire à l'Accademia), on peut presque compter les poils de la barbe.

Memling, détail

Memling, détail

La décollation de Saint-Jean Baptiste - Callisto Piazza da Lodi (1514?-1561)

La décollation de Saint-Jean Baptiste - Callisto Piazza da Lodi (1514?-1561)

Faut qu'ça saigne !

Si nous avons choisi ce tableau, ce n'est pas tant pour le peintre que pour le sujet représenté. Pourquoi cette fascination pour les décollations ? Pourquoi cet acharnement ? Le Caravage, Rubens, et tant d'autres ont décapité, Saint-Jean Baptiste, mais aussi Holopherne, Goliath, etc.

La palme va bien sûr à Artemisia Gentileschi qui a fait subir sur ses toiles des supplices à bien des hommes. Il faut dire qu'elle avait des excuses : elle s'était fait "violenter".

Judith et Holopherne - Artemisia Gentileschi - 1612/14)

Judith et Holopherne - Artemisia Gentileschi - 1612/14)

Giorgio da Castelfranco, detto Giorgione - La vecchia (environ 1506)

Giorgio da Castelfranco, detto Giorgione - La vecchia (environ 1506)

Quand on parle de Giorgione (le grand Giorgio), on pense tout de suite à la Tempesta. Bien sûr, nous nous recueillons toujours devant ce tableau énigmatique. Mais il en est un autre, tout aussi fascinant : La vecchia. Dans sa main droite, un phylactère avec ces mots "Col tempo", avec le temps. Certains analystes ont dit que Giorgione avait peint là sa mère.

Un visage triste et désabusé, des vêtements humbles, une bouche édentée, des traits ravagés par la fatigue... Ce tableau n'est certainement pas une commande. C'est un portrait sur le vif. Le fond noir ne donne aucune indication et semble dire : seul la vieille est importante, ce qui pourrait accréditer la version de la mère. Comme on sait peu de choses sur Giorgione, à part qu'il vécut à Venise, travailla dans l'atelier des Bellini et eut pour élève le grand Titien et peut-être Sebastiano del Piombo. Il est mort trop jeune, de la peste qui a ravagé Venise en 1510.

On sait qu'il a peint, avec Titien les fresques qui ornaient le Fondaco dei Tedeschi à Venise. D'autres oeuvres de lui se trouvent à Castelfranco, son village d'origine.

Giorgio da Castelfranco, detto Giorgione (1478 environ-1510)

L'Accademia en quelques tableaux

Spécialement pour Serge... Ces étranges éléments architecturaux que nous avons remarqués sur sa maison à Perast (Montenegro) puis sur d'autres bâtiments, toujours au Montenegro, il me semblait bien les avoir déjà vu quelque-part... Sur le tableau de Vittore Carpaccio (un autre de nos grands chouchous "Miracolo della reliquia della Croce al ponte di Rialto" se trouvent ces étranges avancées percées d'un trou (dans la même salle de l'Accademia, un tableau de Gentile Bellini situe ce miracle au pont San Lorenzo). Hélas, cette image ne nous apprend rien de plus sur leur utilité... Et depuis le vaporetto près de l'arrêt Ca'Rezzonico, nous en avons repéré aussi sur la façade de l'Hôtel Palazzo Stern. Sur le site de l'hôtel on nous explique qu'il a vu le jour au XVe siècle mais qu'il fut remanié et est maintenant un patchwork d'éléments architecturaux d'époques diverses. Donc, nous ne savons toujours rien. Si un lecteur peut nous apporter des précisions, elles seront bienvenues.

Au Montenegro

Au Montenegro

Le miracle des reliques de la croix au pont du Rialto de Vittore Carpaccio, détail

Le miracle des reliques de la croix au pont du Rialto de Vittore Carpaccio, détail

Sous la fenêtre tri-géminée de l'hôtel Palazzo Stern

Sous la fenêtre tri-géminée de l'hôtel Palazzo Stern

Nous ne pouvons pas quitter l'Accademia sans vous montrer la plus belle madone de la création, celle que nous préférons, de Giovanni Bellini (qui en a peint des dizaines). C'est elle qui me fait penser à Marge.

Giovanni Bellini - Madone entre Sainte Catherine et Marie-Madeleine

Giovanni Bellini - Madone entre Sainte Catherine et Marie-Madeleine

Enfin, si vous n'avez pas l'occasion de venir à Venise, vous pouvez toujours visiter l'excellent site de l'Accademia

Publié dans VENISE, voyages

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