Du petit livre jaune, L'Anneau et le Livre
L’histoire se déroule à la fin du XVIIe siècle à Rome. Il neige sur la ville éternelle. Dans la nuit du 2 janvier 1698, un triple meurtre est commis par cinq individus. Très rapidement ils sont pris, jugés et condamnés à mort, puis exécutés en février de la même année. Ce fait divers sordide aurait pu disparaitre de la mémoire collective si le hasard (ou la rencontre) n’avait pas permis de l’exhumer au XIXe siècle par la découverte, en juin 1860, sur une brocante à Florence, du « Livre jaune » par Robert Browning. Ce document est la transcription des heures du procès avec les dépositions, témoignages, commentaires, plaidoyers et réquisitoires. De cette matière première, tout comme de l’or brut, l’imagination et le talent poétique de Browning, servant d’alliage, vont extraire au final un poème de plus de dix mille vers. D’où l’explication du titre…
Qui est ce Robert Browning, et que fait-il à Florence au moment de la découverte du manuscrit ? Robert Browning est né à Camberwell, Surrey, le 7 mai 1812 et meurt à Venise le 12 décembre 1889 ; c’est un poète et dramaturge britannique, reconnu comme l'un des plus grands créateurs poétiques de l'Angleterre victorienne. Il a donc une trentaine d’années quand il arrive en Italie pour son « voyage de noce » accompagné d’Elisabeth Barrett. En fait, L’Italie est leur pays d’accueil après l’enlèvement rocambolesque et romanesque qui va décider de leur union. Elisabeth était « clouée » au lit dans sa chambre avec interdiction de se lever depuis une mauvaise chute de cheval. Son tyran de père veillait à cette réclusion claustrale. Dans le milieu littéraire, pourtant, elle commençait à avoir une certaine réputation de poète et c’est pour cette raison que Robert Browning va la rencontrer « chez elle », en tomber amoureux et décider de l’enlever (avec son consentement). Cet évènement va sortir Elisabeth Barrett de cet état cataleptique, la transformer et la ressusciter, car très vite elle remarchera et mènera une vie quasi-normale.
La lecture de ce poème, dont les éditions Le Bruit du Temps ont donné une magnifique version bi-lingue, est envoûtante bien que parfois un peu déroutante sinon obscure. Les évènements sont relatés suivant la version de chaque intervenant de ce drame domestique. Essayons de résumer : la femme du couple Contarini ne pouvant pas avoir d’enfant « achète » le bébé d’une prostituée, à l’insu de son mari ; les parents « adoptifs » élèvent cette fille appelée Pompilia sans révéler le terrible secret ; le Comte Guido Franceschini, noble désargenté d’Arrezzo, par l’entremise de son frère, l’Abate, se marie avec Pompilia, elle a 14 ans et lui 45… ; dans les années qui suivent, Pompilia n’aura de cesse de se libérer de cet enfer de vie. ; là intervient, son chevalier servant, un autre prêtre, Caponsacchi ; le mari jaloux se lance à leur poursuite lors de « l’enlèvement » ou de la fuite des deux « amoureux » ; sur la route de Rome, le mari retrouve le couple, les forces de l’ordre interviennent, la justice, saisie, tranche en bottant en touche : le mari doit rentrer à Arrezzo, Pompilia rentre dans un couvent, Caponsacchi, le Chevalier servant est exilé ; quelques mois après, Pompilia demande à rentrer chez ses « parents », car elle est enceinte (vraisemblablement de son mari) ; un garçon nait ; puis Noël approche, puis le 2 janvier, et la neige tombe toujours sur Rome…, et c’est le drame ; le Comte Franceschini accompagné de quatre complices entrent par ruse dans la maison des parents qui seront assassinés ; Pompilia, mortellement blessée, aura le temps de faire sa déposition et naturellement sa confession avant de mourir trois jours après ; le mari et ses complices sont arrêtés le lendemain matin, jugés et condamnés : le comte aura la tête tranchée, car il est noble, par la Mannaia, les quatre autres pendus. Fin de l’histoire, début du livre…
De cette matière première, agrémentée et retravaillée par les diverses versions des protagonistes de ce drame et par les diverses interprétations de ceux qui « jugent » ou qui ont une opinion (les deux moitiés de Rome, par exemple), la mise en vers renforce le coté théâtral et assure à cette tragédie sa puissance et sa force littéraire, tout comme son originalité.
L'Anneau et le Livre - Robert Browning - Éditions le Bruit du Temps - ISBN 978-2-35873-001-3
Robert Browning - G.K. Chesterton - Éditions le Bruit du Temps - ISBN 9 782358 730112