Vie et oeuvres du "Dernier Vénitien"
Tout commence par la découverte au fond d’un antiquariat à Padoue de documents concernant des travaux de peinture, achats de pinceaux, d’une écriture soignée, éparpillés au milieu d’un fatras de papiers divers. Ce manuscrit, reconstitué après plusieurs heures de classement, relate la vie d’un homme malheureux et d’un peintre méconnu, sinon inconnu, ayant vécu dans l’ombre de son célébrissime père, le Grand Tiepolo.
Et lui, le vieil homme, maintenant aux portes de la mort, raconte sa vie et ses œuvres, tout comme il raconte la décadence de Venise en cette fin du XVIIIe siècle précédant la chute de la République en 1797 ; et où l’on apprend comment cette chute fut « favorisée » de l’intérieur même de la Città. Cet homme s’appelle Giandomenico Tiepolo.
Tout jeune déjà avec son petit frère Lorenzo, il travaille à l’atelier paternel : « J’aurai été continuement sa troisième main. » (p.354). Il suivra son père dans ses déplacements lointains en particulier à Würtzburg et à Madrid, où ils demeureront plusieurs années, pour honorer des commandes et réaliser des œuvres gigantesques, principalement des fresques décoratives de vastes salles d’apparat, et dont le mérite sera toujours attribué au père, Gianbattista Tiepolo.
À la mort de celui-ci en 1770 à Madrid après sept années passées à la cour d’Espagne, Giandomenico rentre seul à Venise, laissant Lorenzo son frère qui s’est marié. Pendant les trente dernières années de sa vie, il continuera de peindre en essayant de se démarquer du style et de la façon de son père. Il aura quelques contrats dans les Villas de la (du) Brenta, au palais des doges, dans certaines scuole et églises de Venise (dont la chiesa della Maddalena, que nous avons toujours trouvé fermée). Il se marie à cinquante ans avec une orpheline de vingt-cinq ans sa cadette (qui le trompera avec son propre neveu…), puis progressivement il se retire sur la terre ferme à Zianigo près de Padoue où il écrit ses Mémoires à plus de soixante dix ans.
S’il fut quelque peu reconnu pendant sa vie — même si ses propres tableaux furent attribués à son père — la postérité l’ignorera pendant plus d’un siècle, consacrant toujours et toujours son père et son oncle, Gianantonio Guardi.
Un travail de réattribution permet maintenant d’admirer ses tableaux « de genre » dont certains sont exposés dans cette grandiose "mostra" du Grand Palais, Éblouissante Venise, à coté de ceux de son père et de son oncle, mais aussi de Canaletto ou Longhi, etc,... et de sculptures comme cette troublante et envoutante Donna Velata en marbre de A. Corradini. Le dix-huitième siècle vénitien des arts est aussi éblouissant que le cinquecento de la Renaissance avec ses Bellini, Carpaccio, Tintorret, etc… Mais il marque aussi la fin des grandes « entreprises » familiales en peinture de la Sérenissime et se conclura par la chute de le République dont Giandomenico Tiepolo, le narrateur, le mémorialiste, témoin contemporain des évènements, nous livre quelques surprenantes informations…
Giandomenico Tiepolo - Il Burchiello (qui assurait la liaison Venise-Padoue en empruntant le canal du Brenta
Le dernier Vénitien - Gilles Hertzog - Éditions Grasset - ISBN 9 782246 690313
Catalogue de l'exposition "Éblouissante Venise" Grand Palais - Éditions RMN - ISBN 978-2-7118-7071-4