Voyage à roulettes
C'est vers onze heures que nous sommes partis dans une voiture chargée et surtout encombrée d'un véhicule supplémentaire... La météo était hésitante. Notre première étape était une presque surprise de René. Il avait appris qu'un des trésors de la Franche-Comté possédait un hôtel dans ses murs. Les Salines d'Arc-et-Senans hébergent en effet des voyageurs dans les bâtiments autrefois occupés par les ouvriers saulniers.
Nous sommes hélas arrivés sous une pluie battante. Un portail électrique s'est ouvert comme par miracle et nous avons attendu la petite voiture électrique qui devait nous amener à notre bâtiment, les Berniers, devant la Gabelle. Les "Berniers" étaient les ouvriers sauniers travaillant aux bassins de cuisson de la saumure. La saumure arrivait à Arc-et-Senans par un "saumoduc" depuis Salins-les-Bains. Les restes de ce "saumoduc" qui parcourait 21 kilomètres sont à l'inventaire des monuments historiques. Vieux parquets, vieilles poutres, livres, tables et canapés. Par les fenêtres une vue imprenable sur l'architecture géométrique imaginée par Claude-Nicolas Ledoux au XVIIIe siècle. Une autre surprise m'attendait : une bouteille de champagne ! Ce n'est pas tous les jours notre anniversaire de vrai faux mariage (déjà 13 ans !). Bon dîner au Relais, à moins d'un kilomètre. Le lendemain matin, après un copieux petit déjeuner, René a sorti pour la première fois mon carrosse pour une visite du festival de jardins. Tout autour de la demi circonférence des bâtiments des Salines ont poussé des multitudes de fleurs, plantes et arbres organisés sur le thème du cirque.
L'étape suivante était gastronomique. René avait repéré par hasard l'auberge de la Haute-Joux à Bonnevaux lors d'un périple solitaire ; il tenait à me la faire découvrir. Le décor est perfectible mais dès que les amuses-bouche arrivent sur la table, on oublie tout ce est autour. L'assiette végétarienne est un mélange de saveurs et de textures parfait. C'est un jeune chef qui est aux fourneaux et nous sommes certains qu'un Michelin lui donnera ses premières étoiles dans un avenir proche. Pour le moment, la carte est très accessible.
http://aubergedelahautejoux.com
L'étape suivante : le lac de Joux, un de nos endroits de prédilection. C'est là que naissent les merveilles de Jaeger-Lecoultre. Presque à côté de la fabrique JL, se trouve l'hôtel Bellevue au Rocheray. Mais n'anticipons pas. Pour y arriver, il fallut traverser la forêt domaniale de La Joux, sa route des sapins. Nous y avons croisé la Sécherie qui sélectionne et traite les graines de résineux qui repeupleront les forêts françaises. Nous n'avons pas vu le Sapin Président, mais les pancartes qui y mènent. Et, au beau milieu de nulle part, la gare de La Joux, incongrue, est une étape entre Dole et Vallorbe !
Dès l'arrivée au lac de Joux, en Suisse cette fois, nous avons fait une première halte au Sentier chez le docteur des montres et pendules pour régler un petit souci sur notre Atmos. Puis, direction Montricher.
La fondation Jan Michalski "pour l'écriture et la littérature" proposait jusqu'au 30 août une exposition "Paul Éluard, Gérald Cramer, Joan Miro - À toute épreuve". Les poèmes d'Éluard sont un cri d'amour pour Gala, l'épouse toujours aimée, malgré Nush qui fut sa seconde femme. Joan Miro a illustré et Gérald Cramer a édité. L'expo présente une nombreuse correspondance, des dessins préparatoires, l'histoire de la fabrication du livre et les bois originaux de Miro. Très émouvant. La fondation, installée dans un bâtiment à l'architecture futuriste, possède aussi une bibliothèque très fournie. Le tout est perdu à Montricher, petit village entre le lac de Joux et le Léman. Nous avions cru trouver un raccourci pour y arriver. Une petite route forestière partant des Bioux, serpentant entre les fermes devait nous y mener (presque) tout droit. Mais le mince filet indiquant la route sur notre GPS s'interrompait et une pancarte "voie sans issue" venait confirmer que nous ne pourrions continuer plus loin. Nous avons croisé de nombreuses directions indiquant Montricher, mais il s'agissait sans doute de chemins pédestres. Après trois tentatives, nous avons renoncé. Le raccourci nous a pris deux heures. Finalement, nous avons pris la route "normale". Nous n'avons cependant pas regretté nos errements car nous avons croisé... des animaux hors du commun.
Enfin, le Rocheray. La chambre 30 est une salle de bal, avec terrasse dont nous ne profiterons pas, hélas ! Le temps n'est pas au rendez-vous. Dîner devant la grande baie vitrée, filets de perche, un grand classique de l'endroit et côte de porc cuisson lente, merveilleux petits légumes et frites croustillantes. Pendant tout le repas, nous avons échafaudé un plan parfait pour voler la Reverso murale sur laquelle nous louchons depuis toujours. Le lendemain matin, ce plan nous a semblé beaucoup moins parfait...
Direction Lausanne, le nouveau musée cantonal des Beaux-Arts, ouvert en 2019. Riche collection permanente avec des œuvres, dans le désordre, de Hyacinthe Rigaud, Charles Gleyre, Courbet, Albert Anker (une découverte pour nous), Corot, Vallotton, Ferdinand Hodler (la star des peintres suisses), Cézanne, Rodin, Steinlen, Degas, Maurice Denis, Bourdelle, les frères Giacometti, Utrillo, Ozenfant, Balthus, Paul Klee, Vieira da Silva, un magnifique Soulages de 1956, Dubuffet, Appel, Asger Jorn, tous les contemporains, etc. L'exposition temporaire "À fleur de peau. Vienne 1900, de Klimt à Schiele et Kokoschka" avait libéré ses cimaises pour accueillir une autre expo temporaire qui n'était pas encore ouverte. Après un déjeuner suisse au restaurant du musée, nous avons repris la route pour rejoindre Martigny et la fondation Gianadda pour voir des peintres... suisses.
Heureusement, j'avais mes roulettes. Je crois avoir expérimenté toutes les prérogatives des handicapés. Ascenseurs réservés, plans inclinés, entrées dérobées, monte-personne, etc. Finalement, visiter les musées dans ces conditions, c'est génial. Plus de piétinement, plus de fatigue, plus de mal de pieds, de genoux, de dos, donc plus de scrupule...
Après la recherche infructueuse des sushis sur lesquels nous avions fait une fixette pour notre repas du dimanche soir, nous avons retrouvé la fondation Gianadda. Les jardins plantés d'arbres rares, parsemés de sculptures sont toujours aussi beaux. L'exposition nous a fait découvrir à fond l'œuvre d'Albert Anker qui, bien que qualifié de "peintre national" n'a fait l'objet que d'une seule monographie, un catalogue raisonné, édité grâce à un de ses enfants à l'occasion d'une exposition en Allemagne. Il n'est trouvable que sur les sites de vente en ligne de livres rares. Nous l'avons trouvé ! Sinon, l'incontournable Ferdinand Hodler, et les non moins incontournables frères Giacometti et Vallotton. Au sous-sol, nous avons terminé la visite par le musée des voitures anciennes.
Nous avons rejoint St-Gingolph, village coupé en deux par la frontière franco-suisse, où nous avons retrouvé notre chambre donnant sur la montagne, les chalets et leur réserve de bois bien rangée, la petite voie de chemin de fer longée par les promeneurs et une vue sur le lac par la fenêtre du côté.
https://www.hotel-leman.fr/fr-fr
Yam, apéritif, Don Giovanni et ce que nous avons trouvé à manger... dans une station service.
Lundi matin, direction Douvaine pour une visite à notre vieille amie Maryse (nonante ans cette année) et son ange gardien Josette, puis Besançon pour une vérification de mes articulations rénovées. Nous étions à Vézelay à 20 heures..., avec le soleil, grand absent de ce "beau" week-end à roulettes.