Dimanche, la messe
René est parti aux aurores. Il est revenu avec une photo et des croissants. Puis le vent s'est déchaîné, la pluie s'est mise à tomber. Bref, un jour à ne pas mettre le nez dehors. Nous programmons notre retour avec quelques difficultés : il nous faut faire une étape et nos auberges habituelles sont fermées.
Mais ce n'est pas une raison pour se laisser aller et nous avons compensé dans l'assiette.
Alors que je suis restée bien au chaud, René...
Dimanche, visite rituelle à San Marco pour la messe de huit heures. Une brume intermittente recouvre encore la ville endormie, déserte et comme insouciante. Deux vigiles gardent la porte dérobée et discrète donnant sur la piazzetta dei Leoncini et sans demande particulière ni explication, j'entre. Pas de messe ! Vides, les sièges sont bien alignés et bien espacés. Je m'assois.
Toute cette débauche de dorures, de mosaïques, de marbre, me plonge dans la rêverie et dans l'Espoir que les beaux jours reviendront ; mais peut-être pas comme Avant. Nous avons cru dompter la nature en passant outre nos droits de la partager et non de se l'approprier. Comme l'on dit souvent, nous, les êtres humains, nous ne sommes que "locataires" et de la vie et de la terre. Nous savions que la mort était l'aboutissement de notre vie..., nous savons maintenant que la Terre ou la Nature peut nous "expulser" quand elle veut et sans altérer son mode de fonctionnement. Qu'une toute petite bête invisible, pugnace, évolutive puisse "gripper" le mécanisme même de nos activités jusqu'à les interrompre ! Qui l'eût cru il y a un an ? Serait-ce la conséquence d'un péché d'orgueil dû à notre comportement de dominateur insatiable ?
Aujourd'hui l'Italie du Nord est de nouveau "confinée" (Zona Rossa). Nous devons rentrer, battre en retraite, et attendre...
Assis sur mon siège dans la nef de San Marco vidée par le virus, je ne peux m'empêcher de penser aussi au génie des hommes qui ont construit ce "temple de beauté" unissant et ré-unissant l'orient et l'occident dans ce qu'on appelle le style byzanto-vénitien et que l'on retrouve partout dans les palazzi du Grand Canal. Depuis plus de cinq siècles Venise, ville-monde, nous démontre que le mélange, le croisement, le "métissage", le panachage, la "mosaïque" des cultures peuvent engendrer tant de beautés "universelles". C'est une des raisons conscientes ou inconscientes de l'attirance qu'elle exerce sur les millions de visiteurs annuels, par-delà leur race, leur peau ou leur religion.
Ô, Venezia, Serenissima, ti amo.