Troisième spot avec bancs : il campo San Lorenzo

Publié le par kate.rene

Au soleil de ce début d'après-midi, nous sommes pratiquement seuls sur notre banc... et surprise : l'église est ouverte, ce qui est rarissime, sauf pour les biennales d'arte, et encore.  Des ouvriers s'affairent à l'intérieur, je demande si je peux entrer : "si, mah, non c'è niente da vedere"* me répond-on. L'espace est immense, encombré de "reliques" d'une récente installation vidéo. Monumental, trône en majesté l'immense maître-autel central.

 

* oui, mais il n'y a rien à voir

L'autel de San Lorenzo

L'autel de San Lorenzo

Cette église fut désaffectée en 1868. Diverses légendes relatent sa construction et son affectation. Cependant, cette église est toujours restée sous le patronnage des bénédictines ou laurentiennes du monastère voisin (actuel Centro Servizi Residenza San Lorenzo, alias maison de retraite, où nous avons déjà eu le plaisir d'entrer pour assister à un concert). Le curé de San Lorenzo avait la particularité d'être nommé par le couvent et non élu "démocratiquement" comme dans la plupart des paroisses vénitiennes ! L'édifice fut entièrement détruit par l'incendie désastreux de 1105, qui commença dans une maison de l'île de San Severo, jumelée à l'île San Lorenzo (isole gemelle). Il s'étendit rapidement sur une grande partie de la Città, traversa le Grand Canal et poursuivit jusqu'à San Nicolo dei Mendicoli sur les Zattere. Reconstruite et consacrée en 1617..., elle ne fut jamais terminée, sa façade est "nue", brute de briques !  

La façade de San Lorenzo (Castello)

La façade de San Lorenzo (Castello)

Les cérémonies au XVIIe et XVIIIe siècles ne manquaient pas d'une certaine élégance vestimentaire de la part des religieuses : elles portaient un bonnet en forme de diadème d'où descendait un voile transparent qui couvrait le visage jusqu'à la bouche, la robe noire (ou blanche) était légèrement décolletée (selon certains témoins, mais pas tous), avec des manches courtes sur l'avant-bras et bordées partout de dentelles blanches.  Les offices attiraient de nombreux nobles qui, pleins de dévotion, n'en notaient pas moins tous les attraits, comme Filippo Pizzichi, chapelain du futur Grand Duc de Toscane, Côme III, qu'il accompagnait en 1664 : "C'est le monastère le plus riche de Venise... elles s'habillent très gracieusement, avec une robe blanche comme à la française, le buste de fin lin plissé..., seno mezzo scoperto e tutto insieme abito più da ninfe che da monache"*. Après la chute de la République, le monastère ferma vers 1810. 

*sein à moitié découvert et le tout ressemblait plutôt à une tenue de nymphe que de nonne.  

Troisième spot avec bancs : il campo San Lorenzo

Après un excellent chocolat chaud chez Rosa Salva, nous avons pu entrer à Zanipolo, cette église remplie de tombeaux et de quelques œuvres majeures, un couronnement de la vierge de Cima da Conegliano, un Saint Sébastien de Giovanni Bellini. Voici ce que Dominique Fernandez en dit :

"J'ai repéré quatre de ses Saint Sébastien à Venise. Le plus célèbre est celui de SS. Giovanni e Paolo. Sur la partie inférieure droite du polyptique de Saint Vincent Ferrier, œuvre monumentale et majeure de Bellini, il dresse un corps d'une plastique impeccable, plus florentin que vénitien... Saint Christophe, qui porte le Christ enfant, dans la partie gauche, est menacé de noyade, tandis que Saint Sébastien, à droite survit malgré les neuf flèches qui le percent. On notera qu'une dizième est fichée dans l'arbre auquel il est attaché. Ce nombre dix n'est pas fortuit... On ne s'étonnera donc pas de voir à ce Saint Sébastien une expression aussi apaisée, aussi sereine..." p. 49.*  Il y a aussi des doges, et surtout la peau de Marcantonio Bragadin : le héros vénitien fut décortiqué par les turcs après la prise de Famagoste. Sa peau fut rapportée à Venise et repose ici (elle a été examinée très sérieusement par des scientifiques en 1961, qui en ont certifié l'authenticité !

* Dominique Fernandez, Le Piéton de Venise, Éd. Philippe Rey. ISBN 978-2-84876-776-5

Saint Sébastien de G. Bellini

Saint Sébastien de G. Bellini

Nous avons terminé la journée chez Sophie et Bruno où nous avons regardé un excellent documentaire de Martin Verdet sur le grand poète disparu en 2018, Franck Venaille, en compagnie de son épouse Micha (traductrice entre autres de Virginia Woolf). Émouvant. 

Publié dans VENISE, voyages

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