Venezia
Désormais notre arrivée est réglée comme du papier à musique. Parking à l'aeroporto Marco Polo, biglietteria per comprare due andata e ritorno sulla linea blu jusqu'à Ospedale, quelques centaines de mètres pour rejoindre la Corte Quirini. Fabbio nous attend en bas et nous aide à monter les bagages. Nous sommes « chez nous ». Une bouteille de Prosecco offerte est dans le réfrigérateur. Ne manquent que quelques nourritures solides et le Campari. Renato, courageux, redescend pour acheter ces indispensables denrées.
Mercredi, la vie reprend son cours normal. Les magasins sont ouverts et les vénitiens au travail. Per il pranzo, petits épinards frais et polpette.
Cet après-midi, balade du côté de SS Giovanni e Paolo. Après une station sur la place du Colleone, pour déguster un sabaione chez Rosa Salva, nous visitons pour la première fois la chiesa di San Lazzaro dei medicanti.
Une crucifixion de Véronèse, Sainte Ursule et les onze mille vierges du Tintoretto, une annonciation de Salviati, et dans un des deux cloîtres, une glycine blanche, plantée, est-il dit, au XVIIe siècle.
Nous passons par l'hôpital, toujours aussi surprenant, pour rejoindre Zanipolo.
Cette grande église est un vrai cimetière. Nombreux sont les doges qui y reposent : les Mocenigo, les Alvise, Leonardo Loredan, Marco Corner, j'en passe... Plus surprenant, le monument dédié à Marcantonio Bragadin qui contient une partie de sa peau. Il fut "pelé" vif par les turcs après la prise de Famagoste. Ces restes ont été scientifiquement reconnus en 1961 (sic).
On y trouve aussi un pied de Sainte Catherine de Sienne, des œuvres de Bartolomeo Vivarini, Cima da Conegliano, Leandro Bassano, Lorenzo Lotto pour ne citer que les plus connus.
Per farla breve, il faut y aller.
Jeudi, repos pour moi, sortie pour René, encore du côté de Zanipolo.
Vendredi, vaporetto jusqu'aux Zattere pour rejoindre le palazzo Cini dans le Dorsoduro. Nous allons malheureusement manquer l'expo Artemisia Gentileschi qui commence dans deux semaines. Nous visitons donc les collections permanentes.
La visite se termine avec l'escalier de l'architecte Tomaso Buzzi conçu pour la demeure de Vittorio Cini en 1950.
Samedi, petite balade dans les giardini pour dire bonjour à Garibaldi et à son ombre rouge.
Dimanche, la Fenice pour voir la version italienne d'Orphée et Euridyce (Orfeo ed Euridice) en matinée. La mise en scène est sobre mais très belle. Le rôle d'Orfeo est tenu par une femme, comme lors de sa création. Le décor est essentiellement constitué d'un écran monumental qui occupe l'arrière de la scène. Arbres, nuages et flammes de l'enfer s'y succèdent tandis que le devant de la scène est occupé par les chanteurs et les chœurs qui déambulent autour de pierres tombales noires. La fin de cet opéra prend des libertés avec l'histoire, puisqu'après avoir perdu Euridice qui meurt une seconde fois, l'Amour vient à la rescousse pour rendre à Orfeo sa bien aimée. Tout finit dans la joie et le triomphe de l'Amour.
René a perdu ses lunettes. Il s'est penché par la fenêtre et zou ! C'est au milieu d'arbres touffus hauts de trois étages qu'elles ont chu. Pour tout arranger, il pleut des cordes. La cour de l'église dei Greci, bien qu'à l'aplomb de notre fenêtre est assez éloignée. René a secoué les arbres, cherché, cherché sans succès.
Je me suis reposée deux jours. Aujourd'hui mercredi, nous avons recommencé la quête aux lunettes. Nous avons photographié les arbres à la recherche d'un reflet, lâché une bouteille pleine d'eau pour ébranler les arbres, puis il miracolo!
Cet après-midi : l'incontournable visite à l'Accademia. J'ai déjà suffisamment chanté les louanges de ce musée magique si peu fréquenté. Nous avons découvert les nouvelles salles, et regretté que les Carpaccio ne soient pas visibles en ce moment (réouverture peut-être en août). Nous irons au Palais des Doges pour l'expo temporaire qui lui est consacrée.
J'ai déjà fait un petit concentré d'iconographie pour reconnaître nos saints martyrs. Je vais maintenant aborder les sujets mythologiques et bibliques dans une page qui sera enrichie au gré de nos visites muséales. Connaître les histoires racontées dans les tableaux, c'est la meilleure façon de les apprécier.
Venise, c'est aussi les belles sonnettes, les petits autels fleuris artificiellement, les surprenants tuyaux d'incendie, les mouettes, les capuccini e cornetto, les gondoles corbillard...
Jeudi, direction Canareggio pour voir si Santa Lucia est toujours à Venise. Elle y est bel et bien. Seul le bras gauche a été "généreusement" déporté à Ortigia (Syracuse), là où elle devrait être tout entière. La chiesa San Geremia e Lucia nous déçoit. Dans notre souvenir, elle était beaucoup plus intéressante. Il est toujours impossible de visiter la crypte. Nous reprenons le vaporetto pour rejoindre le palais des doges. Il faut franchir la horde des touristes entassés sur le ponte della paglia pour photographier le pont des soupirs, avec ou sans selfie. L'exposition Carpaccio n'est pas très fréquentée à cette heure de la journée. Les photos sont interdites. Mais je n'ai pas pu m'empêcher. Ah, comme ces peintres sont cruels !
Dans la cour du Palais des Doges, on peut admirer la réplique de la statue de San Teodoro avec son crocodile. L'original surplombe la piazzetta en face de San Marco. Les deux furent rapportées du sac de Constantinople de 1172. Saint Théodore fut le premier saint patron de Venise, avant d'être détrôné par l'arrivée des reliques de Saint Marc en 828 à Venise.
Vendredi, c'est l'ouverture de la nouvelle exposition au Palazzo Fortuny. Le premier et le second étages sont entièrement consacrés à Mariano Fortuny, génial touche à tout. Peintre, scénographe, créateur de costumes, créateur de tissus, velours frappés, plissés, inventeur de merveilleux projecteurs et lampes.
Samedi, j'ai été invitée alla Frasca, un petit restaurant découvert il y a déjà quelques années. À quelques pas des fondamente nove, c'est une terrasse à l'ombre d'une glycine. La carte n'est pas énorme, mais la qualité est dans l'assiette. Dorade crue, thon semi cuit, turbot et tiramisù.
L'eau est servie dans de magnifiques verres de Murano. J'ai aussitôt demandé au serveur où l'on pouvait en trouver. À Murano à la Vetreria Campanella (fermata Venier).
Nous avons donc pris le vaporetto jusqu'à Murano et avons cherché Campanella... Nous avons fait chou blanc. Le GPS nous a conduits au milieu de nulle part. Et les boutiques qui longent le canal sont vraiment faites pour les touristes. Nous avons donc repris le vaporetto jusqu'à l'Arsenale, une heure ! mais nous étions bien installés à l'arrière, à l'air libre. Près de San Michele, nous avons croisé une statue en bronze : Dante et Virgile sur une barque, en route vers les enfers ? Elle est posée là, sur un socle flottant depuis 2007. L'artiste russe d'origine arménienne qui l'a conçue pour la biennale d'art contemporain se nomme Georgy Frangulyan.
Dimanche, repos. Lundi, Acqua Alta où nous n'avons pas trouvé le livre qui raconte l'incroyable odyssée de Pietro Querini, navigateur et marchand vénitien né à la fin du XIVe siècle. Il décide d'affréter un navire qui, partant de Chypre doit rejoindre les Flandres. Arrivé dans la Manche, une tempête fait dériver le bateau qui se retrouve après 5 semaines... au large de la Norvège. Là, il décide d'abandonner son navire et embarque sur une petite chaloupe. Seize survivants sur soixante-dix hommes débarquent sur une petite île des Lofoten. Après quelques jours passés dans la neige et le froid, presque sans vivres, ils sont secourus par des pêcheurs qui les recueillent pendant trois mois. Il ne reste plus que onze surivants qui décident de repartir vers Venise par terre en traversant la Norvège et la Suède. Ils toucheront leur but fin 1432, début 1433. De leur séjour chez les pêcheurs des Lofoten, ils ont rapporté à Venise la baccalà (la morue séchée).
Nous avons visité un appartement avec Sophie (au rez-de-chaussée).
Nous avons quitté Venise mardi matin pour Milan.