Procès "à" Napoléon - Prologue de l'auteur

Publié par kate.rene

Par Giorgio Maria Zamperetti*

Ce volume rassemble les actes procéduraux et quelques notes en marge du Procès de Napoléon, qui s’est déroulé online le 5 mai 2021 à partir de 17h49, heure de la mort de l’inculpé à Sainte-Hélène. Le « Procès » s’insère dans une série d’initiatives soutenues par l’Université d’Insubrie (Lombardie) autour de la figure de Bonaparte à l’occasion du bicentenaire, parmi lesquelles une Summer School qui s’est déroulée en juillet 2021 sur l’île d’Elbe et le congrès « De l’époque napoléonienne aux États Unis d’Europe ».

Pour juger Napoléon fut formé un tribunal composé de magistrats faisant autorité qui se sont prêtés à endosser la toge dans un contexte inhabituel ; pour l’accuser et pour le défendre sont intervenus des universitaires de renom, des juristes et des historiens, tous avec passion et compétence.

Le public a également pris part à ce « tribunal de l’histoire » : les personnes connectées depuis toute l’Italie, au nombre de quatre cents environ ont écouté avec attention les motifs de l’accusation et de la défense, et, tandis que la Cour se retirait pour délibérer, elles ont exprimé leur propre verdict : la majorité d’entre elles se sont prononcées pour le même jugement qu’on pourra lire dans le dispositif de l’arrêt, que bien évidemment nous ne dévoilons pas d’avance.

 

Le pape Formose et Étienne VI - Le Concile cadavérique - Jean-Paul Laurens

Le pape Formose et Étienne VI - Le Concile cadavérique - Jean-Paul Laurens

L'histoire connaît divers exemples de procès faits à des personnages qui ne sont plus en vie ; le plus célèbre est peut-être celui intenté au CXIe pontife de la Sainte Église Romaine, le pape Formose : un an après sa mort, en 897, son cadavre fut exhumé, revêtu de ses habits pontificaux et installé sur le trône pontifical dans la basilique du Latran pour répondre de nombreuses accusations ; le verdict disposa que Formose était indigne du pontificat et officiellement déposé ; il fut jeté dans le Tibre ; tous ses actes furent annulés. Par la suite, cependant, la validité de l’œuvre de Formose fut rétablie par les pontifes successifs.

Ce « Procès » ne s’inscrit pas sous le signe de la cancel culture, du révisionnisme à bon marché par lequel on a commencé à abattre des statues en censurant des personnages historiques avec des canons et des valeurs contemporaines. Souvent enclins à oublier ce que nous devons au passé, nous sommes des nains assis sur les épaules des géants (comme disait Bernard de Chartres) que nous pouvons voir loin, non pour sa hauteur, mais grâce à ce qui lui a précédé. Ce « Procès » veut donc être un examen serein des faits mis en œuvre à travers la dialectique, outil nécessaire pour approcher une quelconque vérité, et la faire sortir de sa cachette ; et en disant « quelconque », nous excluons toute prétention à un jugement définitif : après nous il y aura toujours, à l’infini, des hommes de « manzoniana memoria » auxquels pourra être demandée une sentence différente, toujours difficile. D’un autre côté encore, la sagesse des grecs est de dire que « histoire » ne signifie rien d’autre que « recherche », « enquête » : une recherche qui ne se résume pas à un port d’escale ; une recherche dont le sens réside, comme pour l’Ulysse de Kafadis, dans le voyage lui-même et non dans le but - tellement décevant - qui le conclut.

Ce « Procès » veut par-dessus tout être un jeu, une façon non prétentieuse de réfléchir sur une période cruciale de l’histoire de l’Europe à travers un de ses incontournables protagonistes. Un jeu, oui, mais comme l’ont observé beaucoup (de Jean Paul, pédagogue du XVIIIe jusqu’à l’Homo Ludens de Luizinga) rien n’est plus sérieux que le jeu, rien de plus respecté que ses règles. Huizinga a justement écrit : « les enfants, les footballeurs, les joueurs d’échecs jouent avec un sérieux maximum, sans la moindre tendance à rire ».

Mais maintenant, Mesdames et Messieurs, je vous prie de vous lever, la Cour ! Et merci de bien vouloir continuer à jouer avec nous.

GIORGIO MARIA ZAMPERETTI

*Giorgio Maria Zamperetti est professeur titulaire de droit commercial à l’Université des Études de l’Insubrie (Come et Varese) où il est également titulaire depuis 2009 de la chaire de Law and Humanities, la discipline qui étudie les relations entre le droit et les expressions élevées de la créativité humaine. Il est membre de l'Italian Society for Law and Literature.

... à suivre

Giorgio M. Zamperetti

Giorgio M. Zamperetti

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