Le procès - Prologue
La déception de Beethoven et de Foscolo
La symphonie n° 3 en mi bémol majeur op. 55 fut composée par Ludwig van Beethoven entre 1802 et 1804. Elle fut exécutée en privé pour la première fois le 9 juin 1804 et en public le 7 avril 1805, sous la direction du compositeur.
À l’origine elle fut intitulée « Symphonie à Bonaparte », en hommage à Napoléon, le consul français qui avait commencé à propager en Europe les principes de la Révolution, après avoir conduit des campagnes militaires victorieuses sur tous les continents. Beethoven, qui avait vu le général corse, comme Hegel, « chevaucher l’Esprit du Monde » (Weltgeist), la dédia à Napoléon, mais par la suite, il niera la dédicace dans un élan d’indignation, déchirant le frontispice de la partition à la suite du couronnement de Napoléon comme empereur en 1804, se refusant à dédier sa symphonie à celui qui s’était transformé en tyran.
Nous sommes comme Beethoven.
Les espérances que Napoléon avaient suscitées chez les peuples de toute l’Europe se transformèrent bien vite en déception cuisante et en dramatiques tragédies humaines : guerres, massacres, pillages, spoliations se sont propagés partout, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Europe. Napoléon a incendié le monde pour lui-même, il a abusé de ses immenses pouvoirs, il s’est auto-couronné empereur des Français et roi d’Italie, il a provoqué partout mort et destruction.
Ces paroles visionnaires, écrites de nombreuses années plus tôt par Foscolo dans les Dernières lettres de Jacopo Orti se révèleront vraies. Le général français a trahi les idéaux de liberté desquels se réclamait la Révolution et est devenu un tyran, insouciant du destin des peuples et prêt à les vendre pour son propre profit politique comme il le fit avec Venise : « Nombreux sont ceux qui font confiance au Jeune Héros né de sang italien ; né où se parle notre langue. Je suis d’un cœur bas et cruel, je n’attendrai jamais de nous quelque chose d’utile et de grand. Qu’importe qu’il ait la vigueur et le frémissement du lion, s’il a l’esprit du renard, et s’en félicite ? Oui ; bas et cruel - les épithètes ne sont pas exagérées. N’a-t-il pas vendu Venise avec une férocité franche et généreuse ? »