Arunachal Pradesh
Aviez-vous déjà entendu ce nom ? Moi pas.
Lucas, étudiant à l'ICN, école de commerce de Nancy, devait faire un stage de fin d'études de 6 mois. Après bien des hésitations, il a monté un dossier pour partir vers l'Inde, mais pas l'Inde du tourisme, celle, reculée et presque inconnue du grand public, ce petit état aux confins du Tibet et de la Chine, traversé par la route des éléphants, l'Arunachal Pradesh.
Au départ, il s'agissait de monter des "micro-crédits". Les tracasseries administratives n'ont pas eu raison de sa volonté. Il est parti le 14 avril. Accueilli à Dehli par des officiels de l'état d'Arunachal, il s'est posé quelques jours, le temps de s'acclimater et de régler les derniers problèmes d'autorisations. Il s'est envolé d'abord en avion (en compagnie du gouverneur et de son entourage) puis, les communications étant pratiquement inexistantes, a terminé son voyage vers Itanagar en hélicoptère (l'article de Wikipédia, quasi vide, montre à quel point cet endroit de la terre est encore vierge de toute pollution touristique).
Le micro-crédit s'est entre temps transformé en étude sur le marché de l'horticulture. Le programme prévoit qu'il visitera les tribus, rencontrera les paysans pour les interroger, et fera une synthèse afin d'améliorer le rendement et la commercialisation des cultures.
Le tourisme n'a pas encore atteint l'Arunachal Pradesh ou si peu. Lucas va donc faire un "voyage" dans des contrées encore presque vierges. Quelle chance !
Plusieurs dangers le guettent néanmoins : outre les animaux tels que tigres, léopards, éléphants, ours, il y a les moustiques (palu zone 3), l'eau polluée pour nos intestins fragiles d'européens, la température soit très élevée soit très basse.
Sa mère l'a donc laissé partir avec angoisse mais aussi avec des valises pleines de médicaments, de moustiquaires imprégnées, de vêtements chauds, de chaussures de protection, de nourriture de survie (des pâtes en quantité industrielle), et une bonne dose de recommandations.
Pour vous donner un aperçu des premières impressions, voici un extrait d'un mail de sa mère :
"Mardi il part pour 4 mois dans la jungle à raison de 15 jours/district. Ça va être extraordinaire, seul blanc à avoir le droit de pénétrer dans certaines zones tribales. Il est déjà bouleversé par ses premières rencontres, là-bas il va s'en prendre plein la tête. Espérons juste qu'il ne fera pas de mauvaises rencontres. Il a fait le choix d'être hébergé chez l'habitant et non chez les représentants des districts (genre les officiels locaux du gouvernement). Son Excellence est super sympa avec lui. Il lui a alloué un budget de 50 000 roupies/district pour son périple et pour l'instant il vit au palais. Il a assisté au festival annuel des Mopin of Galos, tribu des très hautes montagnes de l'Arunachal - Himalaya quoi - et ça a été un vrai choc.
Premier blanc pour beaucoup d'entre eux, il a été invité à partager leurs danses, rituels, estrade officielle aux côtés du chef. Épouse lui a été proposée (!), écharpe d'honneur brodée par la femme du chef lui a été remise, bref : il est renversé. Qui ne le serait pas ?
La vieille dame a, depuis cette photo, certainement vu le devaloka
(le lieu bienheureux que l'on voit au moment de mourir, avant de se réincarner) NDLR.
Voilà, le premier district c'est Tawang (le plus grand monastère boudhiste du monde, lieu de résidence du Dalaï Lama exilé, col de 4900 m à passer et 1 jours 1/2 de voyage pour l'atteindre par la seule route existante. Après c'est à pied)."
Un article envoyé par Soph, paru dans le Monde du 5 octobre 2010 :
"Une langue inconnue découverte en Inde"
Des linguistes ont identifié une langue, le koro, dans une région reculée du nord-est de l'Inde, qui était totalement inconnue de la science jusqu'alors, selon leur recherche, révélée mardi 5 octobre.
Cette langue, non écrite, est en danger d'extinction, puisque parlée par seulement huit cents personnes environ, dont peu ayant moins de 20 ans. Le koro appartient à la famille linguistique tibéto-birmane, qui regroupe environ quatre cents langues et dialectes, dont le tibétain et le birman.
Les linguistes à l'origine de cette découverte ont pris part à une expédition du National Geographic dans le cadre d'un projet d'identification et de préservation du patrimoine linguistique mondial baptisé "The Enduring Voices" (les voix qui perdurent). Bien que cent cinquante langues tibéto-birmanes soient parlées en Inde, ces linguistes n'ont pas pu identifier une seule d'entre elles proche du koro.
L'équipe de chercheurs, conduite par Gregory Anderson, directeur de l'Institut des langues vivantes et des langues en danger, dans l'Oregon, et K. David Harrison, professeur de linguistique au Swarthmore College, en Pennsylvanie, avait choisi la région isolée de l'Etat de l'Arunachal Pradesh, dans le nord-est de l'Inde parce qu'elle est connue pour la richesse et la diversité de ses langues.
Un grand nombre de ces langues ne sont pas écrites, sont peu étudiées ou documentées. "D'un point de vue purement quantitatif, le koro n'est qu'une langue de plus qui s'ajoute à la liste des 6 909 langues répertoriées à ce jour dans le monde", relève K. David Harrison. Mais, ajoute-t-il, "la contribution linguistique du koro est en fait beaucoup plus grande que cela, car cette langue donne une perspective entièrement différente en matière d'histoire, de mythologie, de technologie et de grammaire".
Une étude scientifique portant sur la découverte du koro paraîtra dans la revue indienne Indian Linguistics. K. David Harrison relate également cette découverte dans un ouvrage, The Last Speakers, qui vient d'être publié par le National Geographic. Cette institution américaine privée publie la célèbre revue mensuelle du même nom.
Pour la suite, je vous renvoie au blog de Lucas dont je reproduis ci-dessous le premier article.
Arunachal Pradesh : Papum Pare district & Mopin festival
L ‘Arunachal Pradesh (de l'hindi “aruna”, les premiers rayons du soleil levant et “chal” qui signifie le lieu) n'est pas un État indien comme les autres. Déjà, les Britanniques n’ont que très rarement mis les pieds dans cette jungle tropicale (ils n’ont effectué que quelques brèves recherches au centre de l'État pour essayer de drainer du pétrole). Mais surtout c’est l"un des seuls États de la Fédération Indienne où les Indiens et donc a fortiori les Indous sont minoritaires, pauvres et très souvent rejetés. Ici vivent et dominent des tribus ayant fui la Mongolie il y a 2000 ans, qui n’ont jamais été colonisées et qui ne comptent pas être asservies par les Indiens. Surtout pas par un gouvernement central, posté à des milliers de kilomètres.
Au nord des plaines asséchées de l’Assam, plaines réputées pour les plantations de thé et de tabac, un vaste massif montagneux démarre : l’Himalaya.
À seulement 18km de la frontière on atteint Itanagar (littéralement “ita” la brique, “nagar” la zone). Ville montagneuse, son agglomération est habitée par plus de 100,000 habitants bien qu’elle ait été construite au milieu d’une forêt dense, sauvage et puissante, qui reste encore très présente. Au sud d’Itanagar, en prenant la route qui descend la montagne, au bout de 11 km on arrive à Naharlagun. Cette ville qui se situe au cœur de la vallée est bordée par le fleuve Parapani (j’ai cherché la signification et on m’a dit que c’était le nom de la banlieue de Naharlagun. Bon). C’est justement à Naharlagun que se situe la “State Guest House” ou je loge en ce moment. C’est l’ancien Palais du Gouverneur qui sert à présent de chambre d’hôte et de salle de réception pour quelques débats ou colloques.
Pour être tout à fait honnête, de ce que j’ai vu, les villes indiennes ne sont pas “belles” au sens où on peut l'entendre en Europe. Les rues sont dégueulasses parce les Indiens jettent tous leurs détritus par terre, les bâtiments sont sales, les trottoirs mal tracés et extrêmement boueux dès qu’il pleut, aucun magasin n’inspire confiance (comme si la ville était infestée de bons vieux PMU bien crades et remplis d’odeurs malsaines). S’ajoute à cela des camions, des voitures, des motos, des rickshaws (sorte de taxi étant formé d’une mobylette et d’une banquette arrière) qui klaxonnent sans répit pour annoncer qu’ils vont doubler ou simplement pour signaler leur présence. Mais aussi des piétons, des chiens errants, des chèvres, des vaches et notamment ici, en Arunachal, des porcs d’élevage bien gras. Mais, exactement une bonne ratatouille, ce brouhaha ambulant, ces immeubles de toutes les couleurs et cette population cosmopolite et attachante font que les villes indiennes et donc Itanagar et Naharlagun ont un charme fou.
Les villes sont rythmées par l’effort et les fêtes religieuses. L’effort parce qu’une majorité des Indiens travaille tous les jours. Les fêtes religieuses car on ne peut dissocier l’Inde de la religion. En une semaine à Delhi, j’ai pu assister à deux fêtes religieuses dans le quartier ou j’étais. Et la semaine dernière, j’ai assisté au Mopin festival de Naharlagun pendant trois jours durant… Le Mopin festival est un rituel sacré annuel de la tribu Galo. “Le festival est ponctué par des mythes, des chants religieux, des danses rythmées et vigoureuses et porte un message positif pour que tous les êtres vivent en harmonie sur la planète”, Dr. Tejum Padu, Mopin Guide 2012.
Mopin est le nom de la déesse de l’agriculture qui a appris au premier homme sur Terre, Abo Tani, l’art de l’agriculture. Donc, plus qu’une simple fête, le Mopin festival rappelle à tous que la saison de l’agriculture a commencé et que la santé de la communauté dépend du respect de la Terre pour le prochain cycle, mais aussi les cycles suivants. C’est magique. À Naharlagun, ce matin-là, sur le terrain du département Art & Culture, des centaines de Galo se sont regroupés. Il est 9h du matin. Les chants ont déjà débuté et ce sont les femmes d’un certain âge qui dansent pour montrer la voie aux plus jeunes qui pourraient être tentées d’être timides. Au début, il n’y a aucune organisation mais très vite, vers 9h30, le maître de cérémonie prend le micro et annonce le début officiel des festivités. Chacun leur tour et ce pendant trois heures, des groupes d’enfants et de femmes se présentent au centre et dansent en l’honneur de Mopin vêtus d’une tenue traditionnelle. Les enfants sont tellement mignons. Puis, c’est l’heure du sacrifice du mythun. Les mythuns, ces vaches sacrées font partie intégrante du quotidien des Galo. Contrairement aux Indiens ils mangent du bœuf mais respectent et croient au mythun. Mais, pour bien attaquer le repas, il faut tuer le mythun et répandre son sang dans toutes les gamelles. Le Président du festival ne faiblit pas. Il prend la hache et assomme de coups le mythun qui ne se débat que vingt secondes avant de s’écrouler.
Puis, c’est l’heure du repas ! Nous sommes tous invités à aller chez le Président du festival, pour manger. Des cuisiniers venus spécialement du Népal pour ce festival ont préparé un délicieux festin. On prend donc la voiture et moi en “Special Guest”, je monte dans celle d’un cancérologue réputé de la région, ayant étudié en Angleterre et prêté le serment d'Hippocrate. Le repas est fabuleux. Riz bien évidemment, mouton et poulet (chicken, chicken), légumes cuits et crus (ça je ne peux pas manger) avec à chaque fois une sauce originale, épicée et souvent délicieuse. Pour désaltérer tout ca, comme dirait un acteur noir dans un film culte des années 90s, le vin local produit à partir de riz est consommé en très grande quantité (j’ai bu 1,5 litre en 3h). Bien que les gens soient en train de manger, les festivités, les chants et les danses se poursuivent tout au long de l’après-midi. Puis vient la réunion du Comité Exécutif du festival pour un premier débriefing de la journée. Un incident est arrivé pendant le sacrifice (je ne sais pas lequel) et un des membres se fait clairement engueuler par les autres. C’est la fin de la journée. Le soleil tombe vers 17h30 comme tous les jours et il est l’heure pour moi de rentrer chez moi…
Rentrer chez moi ? Penses-tu, aurait dit ma grand-mère ! Je suis invité chez Idar, pour un after ! Encore un nouveau repas, encore ce vin local qui commence à me monter à la tête. Et un invité de marque : le chanteur légendaire Lou Jawaw ! Ce chanteur venu du Meghalaya est connu internationalement pour ses reprises de Bob Dylan (cf. Wikipedia, Lou Majaw). All along the watchtower, Like a Rolling Stone… sa voix rocailleuse et son sourire pur nous transportent tous. La soirée se termine à 3h30. Je suis extenué par cette journée. Et ce n’est que le premier jour du festival.
PS : Pas de photos pour le moment car la connection est super lente et mes photos trop lourdes. Mais cela va venir.
PS2 : S'il y a des choses qui vous intéressent plus que d'autres, par exemple comment fait-on pour se torcher en Inde sachant qu'ils n'aiment pas le PQ, n'hésitez pas à me les transmettre. J'essayerai d'y repondre ou de me renseigner.
En prime, un film trouvé sur Youtube
Et quelques liens
http://arunachalpradesh.gov.in/people.htm
http://www.arunachaltourism.com/people.php
http://arunachalgovernor.gov.in/html/profile.htm
http://www.gavroche-thailande.com/actualites/tourisme/10751-arunachal-pradesh-l-inde-inconnue
http://www.lonelyplanet.com/france/travel-tips-and-articles/76854