Cimetières
Je ne sais pas si c'est l'âge qui veut ça mais depuis quelque temps, nous hantons les cimetières. Nous ne prospectons pourtant pas à la recherche d'emplacement "à perpétuité" comme Philip Roth confie l'avoir fait dans une récente interview. D'ailleurs si tel était le cas, que choisir ?
Certainement pas le cimetière intercommunal de Clamart visité en mai, trop glauque par mauvais temps.
Le délicieusement baroque de San Miniato el Monte à Florence est trop éloigné de nos sentiers habituels, mais c'est l'un de mes préférés.
Pour être tout près de cette ville que nous aimons tant, celui de San Michele ? Trop solennel.
Pour discuter avec Buñuel et Jean-Claude Carrière, celui de Montparnasse ? Mais c'est une fausse info car Buñuel n'est pas enterré à Montparnasse ; il a été réduit en poussière au Mexique. Le lieu de dispersion des cendres est inconnu.
Pour côtoyer les people, le Père Lachaise ? Trop grand.
Pour voir des poètes, Paul Valéry et Brassens, le cimetière de Sète ? Ce n'est pas notre mer.
Pour chanter sous les cocotiers avec Brel, et échanger des recettes de pigments avec Gauguin sur l'île d'Hiva oa aux Marquises ? Trop loin
Pour la mer, encore plus belle à Hoëdic ou à Houat, derrière une petite église ? Why not ?
Pour que Timo m'apprenne enfin correctement le latin et l'anglais, au jardin du souvenir d'Auxerre ? Tentant
Mais non, la préférence, c'est Vézelay, le vieux cimetière, bien au calme sur la colline, avec les écrivains, les poètes et les amis des arts.
Réflexions sans fondement : entre nous soit dit, ce qu'on fera de moi après le grand saut, je m'en moque éperdument. Le mot d'ordre, c'est ne pas s'endetter pour enrichir ces vautours qui pullulent autour des cimetières. Dans les rues qui avoisinent le père Lachaise, ceux qui font commerce de la mort se disputent les vitrines et nous avons eu du mal à trouver un bistrot (la blanche à 4,50 €) au milieu des fleurs et des tombeaux miniature...
Hier, par 28 degrés, nous étions en effet au père Lachaise. Arrivés à 17 heures, juste une demie-heure avant la fermeture, nous avons juste eu le temps de nous propulser dans le secteur 85 sur la tombe de Proust, le dernier endroit insolite pour y lire un passage du Temps Retrouvé... Et il y a du monde là-dessous. Proust est enterré avec ses parents, son frère et sa belle-soeur. Quelqu'un y a déposé sa carte de visite avec un mot "Si j'avais eu des madeleines..."Nous étions à quelques centaines de mètres de la tombe de Jim Morrison quand une armée de vigiles faisant le rabattage à coups de clochette nous ont poussés vers la sortie. Nous avons trouvé par hasard la sépulture d'Allan Kardec, puis celle du compositeur Anton Reicha. (dont nous avons un magnifique quatuor).
Nous sommes passés tout près du fameux gisant de Victor Noir, ce journaliste assassiné à la veille de ses noces par un cousin de Napoléon III, à l'âge de 22 ans.
Sa dépouille devint un symbole républicain, et on dota sa tombe d'un gisant en bronze le représentant redingote ouverte et premier bouton de braguette défait. Ceux qui souhaitent se marier
dans l'année ou aimeraient retrouver leur virilité doivent passer leur main sur la "protubérance", ce qui en explique le côté très poli...
Et quoi de mieux pour garder une des entrées du cimetière que le mausolée de la famille Adams ???
Un bon site sur le Père Lachaise
Enfin, une ébauche de plan en quatre parties avec les numéros des secteurs et quelques tombes remarquables (NO, NE, SO, SE)
En 85, la tombe de Proust et en 43 la famille Greffulhe qui lui inspira nombre de Guermantes, ce monde qu'il voulait tant intégrer. Mais qui aujourd'hui visite les Greffulhe alors que la tombe de Proust voit chaque jour des visiteurs ?