Désirs & Volupté à Jacquemart-André
... À l'époque Victorienne. La collection Pérez Simon.
Financier mexicain Juan Antonio Pérez Simón dont la fondation, riche de plus de 1000 peintures, sculptures, dessins, objets d’art et d’une riche bibliothèque, est considérée comme l’une des plus importantes d’Amérique latine, est né en Espagne ; il a émigré au Mexique à l’age de 5 ans où il a fait fortune. Proche de Carlos Slim, il a dirigé des entreprises de télécommunications, comme Telmex ou le groupe Carso o Sanborns.
Le musée Jacquemart-André expose actuellement, et ce jusqu'au 20 janvier 2014, une partie de cette collection. C'est un excellent complément à l'exposition que nous avions vue au musée d'Orsay sur les préraphaélites qui s'intitulait "Beauté, morale et volupté".
"Dans ce contexte marqué par le puritanisme (le règne de la reine Victoria), les peintres expriment à travers leur sensibilité un art qui contraste avec la rudesse de cette époque et sa rigueur morale : retour à l'Antiquité, femmes dénudées, peintures décoratives somptueuses, expressions poétiques et littéraires avec des compositions médiévales, héritières des préraphaélites..."
Lawrence Alma-Tadema, Edward Burne-Jones, John William Godward, Frederick Goodall, Arthur Hughes, Talbot Hughes, Edmund Blair Leighton, Frederic Leighton, Edwin Long, John Everett Millais, Albert Joseph Moore, Henry Arthur Payne, Charles Edward Perugini, Edward John Poynter, Dante Gabriel Rossetti, Emma Sandy, Simeon Solomon, John Melhuish Strudwick, John William Waterhouse, William Clarke Wontner, c'est la liste des artistes présentés.
Ces peintres ont puisé leur inspiration essentiellement dans l'antiquité, dans la poésie (Tennyson), les légendes arthuriennes...
Commençons par cet immense tableau (affiche de l'exposition) représentant un épisode tragique de la vie d'Héliogabale (203-222) qui fut empereur romain pendant les trois dernières années de sa courte vie. Dépenses outrancières et orgies marquèrent son règne. Il donnait des banquets fastueux mais réservait parfois de mauvaises surprises à ses invités. Ceux-ci se réveillaient après l'orgie enfermés dans une cage avec des lions ou des ours... Ici, l'empereur aurait fait basculer un plafond rempli de pétales de roses ; les invités auraient été étouffés sous les fleurs.
Les roses d'Héliogabale, Lawrence Alma-Tadema
Agrippine rendant visite aux cendres de Germanicus, Lawrence Alma-Tadema
"Tacite évoque le retour d'Agrippine à Rome, tenant entre ses mains les cendres de son époux, Germanicus. Général victorieux que l'empereur Auguste estimait beaucoup, Germanicus pouvait prétendre au trône impérial. Mais Tibère, l'héritier désigné, a sûrement manoeuvré contre lui et Germanicus est mort empoisonné. Dans ce petit tableau, le peintre Lawrence Alma-Tadéma s'inspire de ce récit. Agrippine, descendue dans le caveau de son époux défunt, contemple l'urne ornée d'une couronne de laurier. Elle est enveloppée dans un manteau rouge dont la couleur, loin d'égayer la scène, reflète la violence de ses sentimenets. Il se lit sur ses traits toute la détresse d'une femme déchue, au destin incertain. Le peintre fait preuve d'une grande précision, et démontre son souci de vraisemblance en s'inspirant pour le visage des portraits officiels d'Agrippine."
Courtiser sans espoir, Lawrence Alma-Tadema
Pour le décor de Un message de l'amour, le peintre utilise sa propre demeure. On retrouve les canapés bas dans plusieurs de ses compositions.
Pygmalion. Les désirs du coeur, Edward Coley Burne-Jones
Inspiré du Pygmalion d'Ovide. Le jeune sculpteur, rebuté par la débauche des femmes de son pays, décide de rester célibataire. Il tombe alors amoureux d'une de ses sculptures et demande à Vénus de lui donner la vie. L'instant saisi dans le tableau précède la réalisation de la sculpture. Pygmalion s'interroge sur le sens de son art devant un socle vide. Et c'est une aquarelle !
L'absence fait grandir l'amour, John William Godward
Ce tableau nous a fascinés. On pourrait le classer dans le style hyperréaliste tant les matières, le rendu des tissus, le marbre, les iris, le velouté de la peau semblent comme photographiés.
Jeunes filles grecques ramassant des galets au bord de la mer, Frederic Leighton
Le parti pris décoratif saute aux yeux. Les volutes des voiles, les drapés l'organisation de la toile, tout est fait pour être "beau". Esthétique et classicisme.
Le quatuor, hommage du peintre à l'art de la musique, Albert Joseph Moore
Le peintre emprunte la composition et les personnages à la statuaire gréco-romaine. L'anachronisme entre la scène antique et les instruments de musique modernes est semble t'il voulu par le peintre. La pose un peu guindée des musiciens s'oppose à la sinuosité lascive des trois femmes dont les drapés transparents dévoilent la nudité.
La Mer enchantée, Henry Arthur Payne
"La source d'inspiration de cette extraordinaire peinture est un récit fantastique, divisé en plusieurs contes, écrit en 1856 par le jeune George Meredith qui cherchait peut-être à imiter les contes des Mille et une nuits : l'enchanteresse Noorna et Shibli, un barbier de Shiraz, doivent parvenir à raser le tyran Shagpat qui, de son palais souterrain, terrorise le royaume. L'une des aventures, racontée dans Goorelka of OOlb, conduit Shibli, accompagné de son conseiller le faucon parlant, chez le roi Oolb dont la fille, une enchanteresse, est la gardienne du Lys de la mer enchantée. Pour s'y rendre, elle utilise une coque qu'elle garde sous son oreiller. Afin de l'obtenir, Shibli réussit à s'introduire dans la chambre de la princesse qui, sentant la présence d'un homme, s'enfuit sur cette même coque sur la mer éclairée par la lune : "Elle lança la coque et prit le vent dans ses vêtements, s'assit dedans ; elle la remplissait complètement mais la coque flottait cependant... Ils parvinrent à une large mer pourpre et bleu noir avec de grandes étoiles penchées sur les vagues. On entendait un doux murmure dans le mouvement de la brise et des lueurs momentanées permettaient d'apercevoir les nombreuses voiles des bateaux enchantés battre paresseusement les mâts. L'eau était aussi chaude que le lait qu'on vient de tirer d'une mamelle ; des corps de femmes à la peau claire suivaient le mouvement du courant, relevant la tête au gré des vagues. C'était vraiment un enchantement !"
Enid et Geraint, Arthur Hughes
"Geraint, chevalier à la cour d'Arthur, a épousé par amour la fille d'un seigneur ruiné. Il en est si épris qu'il oublie ses devoirs de chevalier, ce qui préoccupe sa jeune épouse. Geraint se méprend sur le sens de cette mélancolique inquiétude et la soupçonne d'être infidèle. Torturé de jalousie, il lui impose toutes sortes de tourments jusqu'à ce qu'il reconnaisse son erreur".
La Couronne de l'amour, John Everett Millais
Inspiré d'un poème de George Meredith, ce tableau raconte l'histoire triste et romantique d'un jeune couple : "un ordre royal oblige un jeune homme qui a gagné l'amour d'une princesse à l'emporter jusqu'au haut d'une montagne touchant le ciel. D'abord heureuse et rapide, l'ascension devient tragique lorsque la tempête arrive. Comprenant qu'ils vont mourir, la princesse le supplie de la lâcher mais en vain. Tous deux atteindront la mort et le ciel ensemble".
Je pourrais continuer ainsi en faisant toute l'exposition mais comme il faut aller la voir (vous avez jusqu'au 20 janvier), je m'arrête là en espérant vous avoir mis l'eau à la bouche. Les commentaires en italique sont extrait du catalogue.
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