Lectures de plage : Les grands classiques : Dumas
"I'm lost, I must die" ou la redécouverte d'un Monument.
Les Trois Mousquetaires sont à la littérature ce que sont les Quatre Saisons d'Antonio Vivaldi à la musique classique, des chefs-d'œuvre trop souvent galvaudés, musique d'ascenseur ou de supermarché pour l'un, film de cape et d'épée pour l'autre, de quoi détruire une réputation de grand moment musical et littéraire. Ceux qui ont eu la chance d'entendre les quatre saisons dans une église de Venise vous le diront, un frisson de bonheur vous envahit, vous redécouvrez une œuvre musicale. Pour les trois mousquetaires, c'est la même chose, vous êtes emportés dans les aventures et les intrigues de la Cour du France du début du XVIIe.
Les trois mousquetaires étaient donc Quatre ou plus précisément trois plus un et un pour tous (formule qui n'est pas d'Alexandre Dumas). Quand apparaît d'Artagnan venant de son Béarn natal, il a dix-sept ans. Fougueux, susceptible et querelleur, sa première rencontre avec Athos, Porthos et Aramis est explosive. Les trois mousquetaires sont au Roi et non au cardinal, distinction majeure. Nous sommes en 1625, le roi est Louis XIII, la reine est Anne d'Autriche, le cardinal est le Duc de Richelieu. Ce triumvirat tient les destinées de la France, leur inimitié, leurs oppositions, leurs querelles font la chronique de la Cour au Louvre et celle des autres cours d'Europe.
D'Artagnan est le héros fougueux, querelleur, enthousiaste, incorruptible, intuitif et amoureux. Il est le lien d'amitié avec les trois autres. En un mot, c'est un gascon.
Athos, vieille noblesse d'épée (son père avait donné son épée à Francois 1er au cours d'une bataille), comte de la Fère, grand mélancolique, parlant peu mais grand diplomate. Son passé le ronge. Il est d'une éloquence et d'une distinction tout aristocratique. C'est le plus âgé, il a vingt sept ans (magnifique portrait dans la Pléiade p. 310).
Porthos, géant chaleureux, ripailleur, jovial et d'une intelligence limitée, il aime les femmes et leurs fortunes.
Aramis, fin, cultivé, religieux (abbé d'Herblay), onctueux dans ses propos, maniéré, élégant, il aime aussi les femmes pour son plaisir et le leur.
Ils ont en commun : leur grande qualité d'épée, leur loyauté envers le Roi et la Reine, leur réserve pour le cardinal, leur indéfectible amitié. Ils ont une vingtaine d'années, d'Artagnan est le plus jeune, Athos l'aîné.
L'action est menée tambour battant et se déroule sur trois ans environ. La plus célèbre est naturellement l'affaire des ferrets de la Reine et son "idylle" avec le Duc de Buckingam dans laquelle d'Artagnan, aidé de ses amis, va acquérir sa réputation. La deuxième partie se situe pendant le siège de La Rochelle et la guerre entre l'Angleterre et la France où l'on retrouve Buckingam, premier ministre du Roi Charles 1er. Mais surtout on suit la destinée de Milady de Winter, personnage axial de cette œuvre romanesque, femme démoniaque, à la solde du cardinal qui la craint mais l'utilise. Pour son rôle dans l'assassinat de Buckingam et ses autres méfaits, elle sera jugée et exécutée.., un des très grands moments de lecture, un sommet littéraire. "I'm lost, I must die". (La Pléiade, p.678 et suivantes)
Dans cet été qui commence (peut-être) et pour les vacances qui approchent, vous ne regretterez pas de vous plonger dans la vie et les aventures de ces quatre personnages (historiques et romancés) dans la France du XVIIe siècle. D'une écriture foisonnante, à la fois concise et descriptive, des dialogues remarquables, une construction romanesque limpide et dramatique sans faille, une lecture magique vous attend. Si, après cela, vous persistez, vous les retrouverez Vingt ans après, puis quarante ans après dans le Vicomte de Bragellone, au début du règne de Louis XIV. On peut rêver... Et, si l'histoire de France était racontée à l'école comme dans ce roman, on retiendrait et l'Histoire et le merveilleux. Bonnes vacances.