Marcel Proust au bord du lac de Genève par Timothy Shaw

Publié le par kate.rene

PROUST, Marcel (1871-1922)

Romancier français.

La première visite de Proust à la Villa Bassaraba eut lieu fin août 1893.

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Il fut présenté par Louis de la Salle et Robert de Montesquiou. Ils venaient tous de passer trois semaines à St Moritz ; Montesquiou avait lu des vers de Proust et désira probablement les montrer à Anne de Brancovan, alors âgée de seize ans et qui écrivait déjà de la poésie. Proust fut rapidement accepté comme membre du cercle littéraire et musical Brancovan-Noailles qui se réunissait chaque été dans la région d’Amphion au bord du lac (voir l’entrée NOAILLES), bien qu'il allât également être amené à connaître le lac et sa campagne environnante au cours des vacances d’été que ses parents passaient régulièrement à l’Hôtel Splendide d’Évian.

 


 

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Proust et tout le cercle Brancovan étaient des Dreyfusard passionnés ; le docteur Adrien Proust, le père du romancier était un anti-Dreyfusard tout aussi passionné. Au moment du verdit de Rennes en septembre 1899, Proust allait se rappeler avoir trouvé Anna de Noailles dans sa chambre de la Villa Bassarabe, prostrée de douleur et de rage, poussant des sanglots hystériques.  

En août 1903, les Proust passèrent leurs dernières vacances ensemble à Évian. Le docteur Proust n’allait pas bien et il mourut à Paris en novembre suivant. Néanmoins le séjour fut marqué pour Marcel par un voyage à Chamonix et à la Mer de Glace en compagnie d’Anna de Noailles et des autres membles du groupe Amphion ; à Évian, souffrant déjà de problèmes de santé, on pouvait le voir portant son manteau au milieu de la foule d’estivants sur l’omnibus de l’hôtel. Proust, d'une écoute bienveillante et généreux en pourboires, était toujours populaire auprès du personnel du Spendide ; et par exemple l'obligeant liftier, détesté par les autres parce qu'il était juif et dreyfusard, a même trouvé, finalement, une place dans la Recherche. En septembre 1905, Proust séjourna pour la dernière fois avec sa mère avant la mort de celle-ci. Elle insista auprès de l’hôtel pour être aidée par deux membres du personnel afin d’épargner à son fils autant d’inconvénients que possible. Évian, Amphion, le lac et les paysages environnants apparaissent fréquemment dans le travail plus tardif de Proust. En 1920, il écrivit la préface de “Au royaume du bistouri”, un livre de dessins de la femme de Clément de Maugny, dans laquelle il rappelle l’été 1899 à Évian, et le petit train côtier qui deviendra aussi le petit train de Balbec.

 

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PROUST (Marcel). - MAUGNY (Comtesse Rita de).

Au Royaume du Bistouri.

" Or bien avant que vous ne connussiez Clément, il était l'un de mes deux ou trois meilleurs amis. Que de soirs nous avons passés ensemble en Savoie, à regarder le Mont Blanc, devenir, tandis que le soleil se couchait, un fugitif Mont-Rose qu'allait ensevelir la nuit. Puis il fallait regagner le lac de Genève, et monter, avant Thonon, dans un bon petit Chemin de fer assez semblable à celui que j'ai dépeint dans un de mes volumes non encore parus, et que vous recevrez l'un après l'autre si Dieu me prête vie... Or le château de M., la vieille demeure des ancêtres de votre mari, était fort au dessous de Thonon mais enchâssé dans l'émeraude de ce pays admirable... Et le château de M. direz-vous, que devient-il dans tout cela. Je ne l'ai pas perdu de vue "

 

Dans À la recherche du temps perdu, la Villa Bassaraba à Amphion est la maison de Féterne (dont le nom vient de Féternes, un village dans les collines entre Évian et Thonon). La princesse Rachel de Brancovan est Madame de Cambremer. Rive-Belle est une contraction de Riva-Bella en Normandie et Bellerive près de Genève.  Les Juifs à Evian que les Proust, eux-mêmes juifs*, rejetaient tellement, apparaissent à Balbec. Balbec elle-même est un mélange de Cabourg et Évian, le Grand Hôtel est en grande partie l'Hôtel Splendide.

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L’eau du lac et la mer de la côte normande sont perpétuellement mêlées par Proust et sont souvent décrites dans une seule image poétique. Il y a aussi un charmant passage descriptif à propos du lac dans Jean Santeuil.

 

* Une discussion acharnée s'est engagée à ce sujet avec ma traductrice préférée. Les Proust étaient-ils juifs ou non ? Partant du postulat disant que Timo ne pouvait pas se tromper, Josette prétend que Marcel était juif puisque né d'une mère juive. Moi, je prétends qu'il ne l'était pas puisque baptisé à Paris l'année même de sa naissance. Que le père ne l'était pas et ne le fut jamais... Et pourquoi, si les parents "étaient juifs" auraient-ils été antidreyfusards ?

http://www.actualitte.com/patrimoine/marcel-proust-swann-le-nez-busque-ou-le-judaisme-retrouve-42946.htm

 

Pour les lecteurs anglophones, voici le texte original de Timothy Shaw

 

PROUST, Marcel (1871-1922)

French novelist.

Proust’s first visit to the Villa Bassaraba took place in late August 1893. He was introduced by Louis de la Salle and Robert de Montesquiou. They had all just spent three weeks at St. Moritz; Montesquiou had read Proust’s verses and probably wanted to show them to Anna de Brancovan, then sixteen years old and already writing poetry. Proust was quickly accepted as a member of the Brancovan-Noailles literary and musical circle which assembled each summer at the lakeside estate at Amphion (see NOAILLES), though he was also to get to know the lake and its surrounding countryside in the course of the regular summer holidays which his parents spent at the Hôtel Splendide at Évian. Proust and the entire Brancovan circle were all passionately Dreyfusard; Dr. Adrien Proust, the novelist’s father, was equally strongly anti-Dreyfusard. At the time of the Rennes verdict in September 1899, Proust was to remember finding Anna de Noailles, prostrate with grief and fury, sobbing hysterically in her room at the Villa Bassaraba. In August 1903 had their last holiday together at Évian; Dr. Proust was not well and died in Paris the following November. The visit was marked for Marcel, however, by a trip to Chamonix and the Mer de Glace in the company of Anna de Noailles and other members of the Amphion group; at Évian, already suffering from ill-health, he could be seen wearing his overcoat in the midst of the crowd of summer tourists on the hotel omnibus. Proust, a sympathetic listener and a generous tipper, was always popular with the staff of the Splendide; and the obliging lift-boy, for example, disliked by the others because he was Jewish and a Dreyfusard, even found, eventually, a place in the Recherche. In September 1905 Proust stayed at Évian with his mother for the last time before her death; she insisted on being helped about the hotel by two members of the staff in order to spare her son as much inconvenience as possible. Évian, Amphion, the lake and local scenery occur frequently in Proust’s later work. In 1920 he wrote a preface to Au royaume du bistouri, a book of drawings by the wife of Clément de Maugny, in which he recalled the summer of 1899 at Évian, and the little lakeside train which was also to become the little train at Balbec. In À la recherche du temps perdu the Villa Bassaraba at Amphion is the house at Féterne (a name taken from Féternes, a village in the hills between Évian and Thonon). Princess Rachel de Brancovan is Madame de Combremer. Rive-Belle is a mixture of Riva-Bella in Normandy and Bellerive near Geneva. The Jews at Evian to whom the Prousts, themselves Jewish, so objected appear at Balbec. Balbec itself is a Hôtel Splendide, Évian Marcel Proust mixture of Cabourg and Évian, its Grand Hotel being largely the Hôtel Splendide. The water of the lake and the sea of the Normandy coast are perpetually combined together by Proust and are often described in one single poetic image. There is also a fine descriptive passage about the lake in Jean Santeuil.

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