Marie-Madeleine
En attendant la publication (très très longue) de la fin de nos aventures vénitiennes, une petite mise en bouche de tableaux collectés à Venise et ailleurs.
Collectionneurs infatigables, nous avons commencé une nouvelle quête : les images de Marie-Madeleine. Nous faisons donc appel à nos lecteurs pour nous aider à recueillir les représentations de la belle pécheresse. Évidemment, les images insolites sont les plus prisées... Pour l'instant, notre préférence va à celle qui est ci-dessus. Regardez attentivement le personnage qui se trouve debout derrière le Christ. Observez son regard lubrique et sa main droite qui... qui... eh oui !!! Imaginons la scène quelques secondes plus tard ...
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Pour être plus sérieux, je vous confie l'histoire des restes de Marie-Madeleine, qui, comme tout le monde le sait préside au destin de Vézelay. La crypte de la Basilique possède une châsse où seraient les saintes reliques dont voici l'histoire, contée par Édith de la Héronnière (Vézelay, l'esprit du lieu) :
"Le corps de la Madeleine reposait dans un sarcophage d'albâtre à Saint-Maximin de Provence losque les Sarrasins déferlèrent sur le Midi de la France et dévastèrent l'église. Le tombeau resta enfoui dans la crypte sous les ruines.
À cette époque, il fallait à tout grand monastère des reliques prestigieuses pour rehausser sa renommée. Un moine de Vézelay, Badilon, fut chargé de la mission dangereuse qui consistait à s'aventurer en pays infesté par les Sarrasins pour y dérober - à l'insu des Infidèles - les précieux restes qui une fois rapportés sur la colline, magnifieraient le prestige de sa nouvelle église. L'expédition dura longtemps, un ou deux ans. On ne saura jamais comment les moines firent pour atteindre le tombeau dans la crypte comblée et emmurée. Il est très probable qu'ils ne ramenèrent qu'une partie du corps. Ils laissèrent en tout cas sur place le crâne de Marie-Madeleine sur lequel on reconnut en 1320 "dans la région gauche de l'os frontal, au-dessus de l'orbite (...) une petite portion de chair recouverte de peau et restée adhérente à l'os". Tout de suite, en ces temps d'innoncence, on identifia le Noli me tangere, l'endroit où le Christ toucha du doigt le front de Marie-Madeleine.
L'expédition de Badilon peut fort bien n'avoir jamais eu lieu. La querelle des reliques n'en continua pas moins entre Bourguignons et Provençaux. Pour relancer le pèlerinage qui était sur son déclin, l'abbé de Vézelay eut l'idée en 1267 de procéder à l'ouverture du coffre scellé dans la crypte. La reconnaissance solennelle des reliques eut lieu en présence de saint Louis.
Les précieux restes, soi-disant trouvés à Saint-Maximin, étaient alors entourés de "quantité de cheveux de femme", ce qui suffit à les identifier. Le corps, retiré de son coffret de métal, fut placé dans une châsse en argent. Les religieux de Vézelay firent cadeau au roi d'un bras de la sainte et d'un os de mâchoire avec trois dents. Peu de temps après, saint Louis les renvoya au monastère après les avoir fait magnifiquement enchâsser. Il y adjoignait des reliques provenant du Trésor de Constantinople.
Ce même jour solennel, une côte de sainte Marie-Madeleine fut offerte au légat du pape qui, devenu pape à son tour sous le nom de Martin IV, l'offrit à la ville de Sens. Elle fit longtemps partie du Trésor de la cathédrale avant d'être rendue en grande pompe à la colline en 1870.
Sait-on combien d'envieux firent ces reliques ? Quelles jalousies elles suscitèrent ? Combien de meurtres se commirent en leur nom, si l'on songe à la fortune que représentait alors le moindre de leurs fragments ?
Dès l'arrivée des pieux débris sur la colline bourguignonne, les miracles commencèrent : la spécialité de la sainte fut alors la délivrance des captifs. Un si grand nombre d'entre eux apportèrent leurs fers sur son tombeau que l'on dut au XIe siècle faire fabriquer des grilles pour protéger l'autel. D'autres furent délivrés du démon ou guéris de leurs maux. L'un des plus beaux miracles recensés est celui de l'aveugle de Chastellux qui, se rendant à pied au village, recouvra la vue en suppliant la sainte de lui permettre de "voir les tours de son église".
Cette rocambolesque Histoire d'Os fut brutalement interrompue par les Huguenots qui occupèrent la ville de 1568 à 1570 et se soucièrent de clarifier la situation. La clarification fut expéditive.
Ils pillèrent les reliques et les brûlèrent sur la place "au milieu des quolibets". Sainte Marie-Madeleine, Pontien, Ostien, Andéol et le bois de la croix partirent en fumée et leurs cendres emportées par les vents s'en allèrent fertiliser les terres alentour. La basilique fit alors office d'écurie pour les chevaux protestants.
Finies les fariboles et les superstitions ! L'on revint brutalement à la lettre des choses. La mentalité puritaine vous fait toujours déchanter.
Les jacobins, deux siècles plus tard, s'attaquèrent aux sculptures, aux représentations des saints. Dieu le Père dans sa mandorle, trop haut placé pour être atteint, échappa au désastre, tandis que Jean-Baptiste, le Précurseur - celui qui prit toujours les coups en premier - eut la tête cassée, et non tranchée pour une fois ; il se vit aussi supprimer l'agneau qu'il présentait pieusement à la chrétienté..."
Quant à moi je me demande comment un doigt de
Marie-Madeleine s'est retrouvé à San Marco à Venise !!!