Tranche de vie

Publié le par kate.rene

Thomas vient de me confier ce texte avec l'autorisation de le publier...

 

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Samedi 2 avril 2011

 

Ébénisterie d’art pour JAG.

 

Voilà deux années de formation passées, une en agencement, un peu par erreur suite à une mauvaise orientation d’une ‘conseillère orienteuse’ AFPA, et une par choix en ébénisterie d’art avec pour objectif avoué de créer du mobilier de jeu pour la planète entière. Ne pas poursuivre ce cursus par une formation en menuiserie en siège relève d’une faute corrigible ultérieurement, soit peut-être, en septembre prochain.

En fait, une rencontre avec un vrai ébéniste-créateur, Jean-Eudes Massiou, et un ras-le-bol de vivoter avec 600 maigres euros par mois enfermé à 2 dans 30m2 pour tout logement, ont été autant de raisons de décider que j’en savais assez pour démarrer mon projet.

 

Malheureusement, ma créativité quasi mégalomaniaque fut tuée dans l’œuf par la pauvreté de ma situation financière. S’en suivit alors, et encore une fois, un plongeon progressif et rapide dans une léthargie assistée par procrastination. Le genre qui ne me fait plus peur depuis longtemps, tant il a fallu que je touche le fond pour que ma bonne étoile, une rencontre opportune et ma capacité à faire un peu n’importe quoi, me fournissent une nouvelle vie plusieurs fois.

Mais voilà, ce super pouvoir semble m’avoir quitté à 37 ans.

Cela me ronge et me prive d’une solution pour éviter de faire ce que je ne veux pas faire, un vrai môme.

Devenir menuisier d’atelier, un moindre mal, ou devenir ‘menuisier poseur’, le plus probable compte tenu du marché du travail (les cuisinistes n’ayant pas vraiment connu la crise). Ces ‘peste et choléra’ relèvent d’une même pathologie : travailler pour un autre que soi, pour, soit dit en passant, un salaire plutôt bas. Là, je me suis dit que ces deux années passées à apprendre un nouveau métier étaient pure perte et la vie de croupier se profila de nouveau à l’horizon.

Les possibilités réjouissantes ne sont donc pas légion et bien que tout mon entourage ait probablement raison, me conseillant de travailler d’abord et chercher une solution par la suite, cela me déprime au plus haut point, ce n’est pas la vie que je souhaite.

 

Le retour à la réalité se fait naturellement via Nancy et l’obligation de me sortir les doigts du cul, dixit Loïc, se fait à l’aide d’un curriculum vitæ magnifique réalisé par Charlotte, une collègue de Juziers-case départ et néanmoins amie, qui elle a fini par se trouver une situation.

GO GO Cha !

 

De retour presque forcé, je franchis donc la porte d’une agence d’intérim, CRIT INTERIM (crotte intérim selon les dires d’un fin futur collègue), où je suis accueilli par un gars livide et visiblement plus déprimé que les murs décrépits et grisâtres de son agence rue Stanislas. Là, je bafouille un peu, affiche mon meilleur profil et fourni à la demande pièce d’identité, carte de sécu, RIB et mon atout principal, mon CV.

Patatrac, le gars qui va faire de l’argent sur mon dos le parcoure et ne comprends rien à la finesse de la mise en page ultime de ma fausse-sœur. Pauv’con. Quand je lui décline mes prétentions professionnelles : agencement, menuiserie traditionnelle, fabrication et/ou pose voire un poste de chef d’atelier auquel je crois pouvoir prétendre après l’obtention du titre professionnel correspondant, il me toise. Bien, me dit-il. Quelle expérience avez-vous ? Deux ans de formations dont 80% de pratique lui rétorquai-je. Nous n’avons rien en ce moment, je photocopie vos documents et je vous recontacterai. Voulez-vous récupérer l’original de votre CV ? Bah tiens, mon con, évidemment puisque tu viens de le photocopier !

 

Adieu CRIT intérim, bonjour Start People rue des Michottes au coin de la place Carnot.

Devanture tendance, accueil féminin charmant, jeune et dynamique. Encourageant.

Fort de ma première expérience, je ne bafouille plus et corrige ma présentation, peut-être un peu aidé par une légère mais sensible poussée de testostérone.

Les présentations faites, Alexandra m’annonce qu’une mission d’une semaine pour une boîte qui a deux mois d’existence démarre le lundi suivant ce mardi. Très bien pensais-je, c’est facile de trouver du travail comme toujours.

Comme c’est une boîte qui débute ce n’est pas payé très cher, me précise-t-elle, 10 euros brut de l’heure le smic étant à 9, (j’apprendrai plus tard que c’est une amie de la compagne d’un des deux associés…). Je tique un peu mais accepte évidemment la mission qu’elle me décrit. Deux jours à Mulhouse pour agencer une pharmacie qui reste ouverte pendant la durée des travaux, d’où un départ de bonne heure et une nuit payée sur place (j’imagine que cela ne me tuera pas de me lever un lundi vers 5 heures pour un décollage à 6), ensuite 3 jours à St-Clément près de Lunéville, pour un cabinet de toubibs.

Mes heures de route seront payées plein pot ainsi que les frais de bouche et d’hôtel.

Je prends note des coordonnées de mes futurs employeurs par intérim, Jérémy & Johann, Adam et Guyot pour JAG menuiserie. Je décide d’attendre midi passé pour contacter Jérémy avec qui je passerai la semaine, histoire de ne pas l’interrompre dans son travail.

Le voussoiement d’usage au premier contact téléphonique cessera dès que nous serons dans la même galère, une fourgonnette Renault équipée, outillée pour parer toute éventualité sur les chantiers. Jérémy me précise qu’il passera me prendre à 3 heures et demie chez moi, enfin chez ma grand-mère à Malzéville.

Ouch ! Là, ça va être tendu pour la reprise, je pense trouver une aide chimique pour m’endormir pas trop tard et me lever à l’heure à laquelle je me couchais ces derniers temps. Il n’en sera rien, j’aurai dormi 4 petites heures avant de prendre la route pendant 150 longues minutes de lutte contre l’endormissement et de recherche de conversation.

 

Le proprio, un pharmacien pingre, radin, petit, hautain, dédaigneux s’appelle Monsieur Weil. Il fait des économies de bouts de chandelle à tout bout de champ.

Nous devons transformer les vieilles étagères de 2m30 en panneaux mélaminés blancs usées par 8-10 années de bons et loyaux services en étagères d’1m98 flambant neuves. Il nous conseille de faire attention à la disposition des étagères parce que ce petit trou n’est pas beau, et cette égratignure ne doit pas se voir…

C’est le type qui ne vous regarde pas, ne dit pardon que quand il vous pousse d’un index pointé sur votre épaule si vous êtes sur son passage. Il use d’un faux respect pour s’adresser à nous –‘Messieurs les menuisiers’ suivi d’un impératif. J’ai contenu mon envie de le remettre à sa place toute la journée et regrette encore de ne pas l’avoir fait par égard pour Jérémy qui me dira plus tard qu’il ne faut pas se gêner si cela est justifié ; lui non plus ne peut pas l’encadrer.

Le conducteur de travaux s’appelle Monsieur Marfaing, un homme très mal organisé, complètement dépassé par la situation, qui baratine son patron, le pharma-chien et les ouvriers, pour camoufler son incompétence. Tous les corps d’état se mêlent aux clients et aux préparatrices dénombrées qui pensent comme nous que quelques jours de fermeture n’auraient pas été une idiotie.

Deux jours horribles, plus de 12 heures lundi et 2500kgs de manutention me semble-t-il, tous mes muscles me font souffrir autant que mes chaussures de sécurité neuves.

Retour à Nancy, détour par le Barami où quelques bières et parties d’échec me rendent heureux ; un menu de survie et une bonne nuit à Malzéville avant de partir aux alentours de Lunéville.

Je retrouve Jérémy au carrefour en bas de la rue à 7 heures comme convenu et nous filons chez le ‘Brax’ (entreprise de fabrication de mobilier d’agencement Braxentalher) charger une première partie de l’objet de notre mission. Nous rencontrons une des deux médecins, et nous attaquons le boulot. Local et meubles en magnifique panneaux stratifiés en relief neufs augurent d’un peu plus de facilité. J’aurai cette fois l’occasion de toucher quelques outils et de réaliser des tâches simples, ajuster des fileurs, visser des plans de travail, poser des plinthes, régler charnières et tiroirs, monter un évier et une crédence ou faire des joints silicones. Deux jours sur les trois initialement prévus nous suffisent pour boucler, donc pas de travail vendredi pour un total de 43,5 heures en 4 jours.

La semaine suivante avec Johann, nous partons pour une semaine de dépose-repose de fenêtres alu pour un CIC 2 quai des bons enfants à Épinal qui reste ouvert pendant la durée des travaux. Le travail est simple et exténuant. Changer une fenêtre n’a rien de sorcier. 2 heures pour casser l’encadrement à coups de massette et burin, descente des vitrages Sécurit au poids toujours surprenant, disqueuse pour couper les encadrements, nettoyage des gravats avant la repose de l’encadrement à l’aide d’un niveau et de cales, montage des vitrages, pose des parecloses et des joints, ménage et retour à Nancy.

Barami, bières, échecs, menu de survie, endormissement éclair et rebelote les 4 jours suivants, 11 fenêtres de changées. Il m’en reste une vilaine ampoule et un pouce gauche enflé par quelques coups de massette maladroits, des courbatures jusque sur le coup de pied et des avant-bras durcis par le labeur. 47 heures en comptant les trajets.

Retour à Nancy, dépôt de ma feuille d’heures chez Start People où je précise que je ne referai pas de fenêtre à moins de 12€ l’heure. LOL.

Semaine suivante, pas de boulot, tour des popottes et de la famille, yam où je teste avec succès la méthode René, échecs, échecs, échecs et bières.

Semaine suivante, Mulhouse à nouveau pour 4 jours ‘seulement’ : 30 heures de jour, 15,5 de nuit et 5 heures de trajet, re 2500 kgs, je suis mort. Retour à Nancy, pas de Barami, d’échecs ou de bière, mon lit, paracétamol et myorelaxant.

Vendredi passage chez Start pour déposer ma feuille d’heure et discuter un peu avec Alexandra, je lui pose mes petites questions, lui fait remarquer une faute de frappe au verso des contrats, surprise que quelqu’un lise un texte en police 6, elle pourra remonter l’information.

Je lui annonce que mon nouveau prix de vente est de 12 euros, elle me dit 11.50 c’est possible, vendu.

Si elle ne me trouve pas de travail pour la semaine prochaine, lui dis-je, je serai obligé d’aller m’inscrire dans d’autre agence d’intérim pour ne pas avoir de trou dans mon agenda, ce que les agences d’intérim n’aiment pas trop. Ni une ni deux, elle décroche son téléphone devant moi et demande à une entreprise si elle n’a pas besoin d’un menuisier poseur excellent (?!), réponse par l’affirmative. Rendez-vous à 7h45 à Saulxure-lès-Nancy chez Made Agencement, l’ancien employeur des JAG.

Le soir no limit pour oublier que je fais tout ce que je ne voulais pas faire, échecs et bières avec les copains du Barami.

Samedi chez les burons, encore un yam gagné avec la méthode René. Jean-Louis s’entraîne seul et adapte son jeu à la René lui aussi.

Dimanche, billard avec Alain le parisien, menu de survie et insomnie, 4 heures de sommeil levé à 5H45 pour 1h15 de transports en commun pour être à l’heure.

Sur le parking, un peu dans mes petits souliers, enfin mes bouffe-pieds de sécu, j’attends que l’on me désigne mes partenaires de la semaine en observant un balai de chargement d’une douzaine de camions près à partir à l’assaut de la France chargés de menuisiers, de plaquistes, de peintres ou d’électriciens.

Daniel et Jean arrivent et nous vidons et remplissons notre camionnette pour partir à Paris. Une demie-heure me suffit pour comprendre ce qui m’attend humainement. J’ai là, deux spécimens d’ouvrier pas très fins, et j’euphémise. Je suis assis au milieu coincé par le levier de vitesse et dormirai 3 heures pour 33 euros 50, les heures de routes étant payées, tant pis pour les présentations et la radio qui (dé)gueule une soupe infernale version NRJ ou virgin radio. Arrivée à Bercy, là où nous sommes venus chercher le parquet de Sophie et Stéphane. Le chantier : 3-4000 métres carrés d’un magasin Métro grouillant de tous les corps de métier. Pose de menuiserie ALU du sol à 6,5 mètres de hauteur à l’aide d’une nacelle, pas de vertige tant que je n’essaie pas d’escalader la nacelle pour accéder aux endroits inaccessibles. Le rythme n’est pas le même, Jeannot prépare, revérifie et fume ses gitanes sans filtre avant d’attaquer le taf.

Ma tentative de gagner du temps est rejetée par un ‘ça ne sert à rien de courir’ lapidaire. Aucune initiative envisageable, je m’adapte au rythme de Jeannot dit aussi, ‘le vieux’. Il tremble de partout, même de la voix, et ne voit plus très bien. Je visserai là où il me dira car j’ai de bons yeux moi.

Aujourd’hui 2 mai, 13 heures, fin d’une première partie de semaine avec Jeremy : Malzéville, Orchy & Arras (Lissac), Reims (Toyotta) ;  Porte Désilles (Croque-Messieurs et Super Bock), Barami (Échecs et fous rires avec Daniel Schneider), DODO.

Ca change de chez Mâde tout de même. J’aurai conduit le camion 2 Heures à l’aller et 1h45 au retour, posé de la menuiserie alu/bois pour un lunetier, pas toujours avec succès ni initiative par ailleurs.

 

À suivre...

L'affiche en tête d'article fait partie d'une batterie de mises en garde exposées dans les ateliers de menuiserie.

Publié dans société

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C
<br /> Il écrit bien mon faux-frère! didon<br />
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K
<br /> <br /> t'as vu hein ! Et il parle de toi !!<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Il écrit bien mon frère! didon<br />
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K
<br /> <br /> Ben oui !!<br /> <br /> <br /> Et toi, tu me racontes quand une tranche de vie ?<br /> <br /> <br /> Baisers Mum<br /> <br /> <br /> <br />