Venise 2012, voyage d'automne - 5
Jeudi, nous avons démarré en vapporetto de San Zaccharia (linea 2)
par un premier arrêt au Redentore, vaste église attenante au couvent des frères Capucins dont nous avions visité lors de notre dernier séjour à Venise l'immense jardin s'étendant sur toute la largeur de la Giudecca. Bruno nous avait introduit
auprès de fra Agostino qui lui avait demandé de tailler leurs oliviers. Le Redentorre est considéré comme un temple votif et a été construit par Andrea Palladio à la suite de l'épidémie de
peste qui avait frappé Venise en 1576 faisant cinquante mille victimes ! Après avoir laissé un petit mot de notre passage au Fra Agostino, nous avons repris le vapporetto pour traverser le
canal de la Giudecca, nous arrêtant à la station des Zaterre. En face du débarcadère, nous sommes rentrés dans l'église Santa Maria del Rosario, dite les Gesuati. Cet
ordre religieux a disparu. Il était constitué de religieux laïques ! Les Dominicains leur ont succédé et l'église est dédiée à Saint Dominique. Il faut s'assoir et lever les
yeux pour admirer le plafond décoré par trois toiles de Giambattista Tiepolo, pure merveille datant du début du XVIIIeme siècle. En sortant sur les Zattere, nous nous nous sommes enfoncés dans le Dorsoduro en
remarquant au passage l'arrondi de deux arches murées attenantes aux
Gesuati, rappelant que l'église était bordée d'un autre canal, actuellement comblé par un rio terra. Au sommet des arches il faut remarquer la sculpture d'un chien couché (Dominique =
Domine Cane = chien de Dieu et surtout sales chiens d'inquisiteurs que furent les Dominicains ! Je m'arrête là sous peine
d'excommunication).
Au travers de petites calle désertes, nous avons atteint l'hôpital
Giustinian où nous voulions visiter l'église et la sacristie de S.S. Trinità Ognissanti. Mais la porte était close... Puis toujours vers l'ouest, derrière la gare maritime, nous avons
découvert deux églises magnifiques à l'écart de tout et deux lieux improbables. Tout d'abord la Chiesa San Sebastiano. Sur l'emplacement d'un ancien oratoire dédié à la Vierge,
annexée à un modeste couvent de moines Hiéronymites, l'église fut construite au XVe siècle et dédiée à Saint Sébastien qui avait sauvé le quartier de la peste de 1464. En
dehors du Titien (à droite en entrant) d'une qualité moyenne représentant Saint Nicolas, il n'y a pas moins de 15 oeuvres de Paolo Caliari dit Véronèse, en particulier dans la
sacristie à gauche du maître hôtel, nous laissant sans voix. Au dessus du maître autel, une madone en gloire, Saint Sébastien et quelques Marie Madeleine ai piedi di Cristo sont,
entre autres, les personnages de ces magnifiques toiles de Véronèse. Autre joyau de cette église, les panneaux de l'orgue. À droite de l'orgue à mi-hauteur, on peut
admirer un buste de Véronèse.
À quelque distance de là, nous avons découvert une autre église négligée par les visiteurs, la chiesa de l'Anzelo Raffaele et son orgue du XVIIe siècle restauré à la fin du XIXe. Le balcon de l'orgue est décoré de tableaux délicieux peints par Giannantonio Guardi (le frère de Francesco) représentant les scènes du livre de Tobie. À gauche dans la nef, le pupitre en bois est richement décoré de sculptures datant du XVIIe avec son escalier métallique en colimaçon finement travaillé. Le baptistère est autorisé à la visite par le bedeau omniprésent dans cette église déserte pour admirer les fresques récemment restaurées de Francesco Fontebasso, élève de Tiepolo et les fonds baptismaux en marbre polychrome surmontés d'un couvercle en cuivre et bronze. Dans cette pièce, il y avait une très curieuse présentation de chasubles et d'habits ecclésiastiques sous housses transparentes !
Changement de décor et nouvelle expression de la magie de Venise. Presque en face de l'église, sur le fondamenta San Sebastiano au numéro 2371, une porte verte donnant sur un long couloir, puis une autre porte permettant d'accéder au club de la société Bocciofila de San Sebastiano..., où l'on découvre trois terrains de boule, un jardin et un bar. Il n'y a que des hommes, pour la plupart retraités. Nous sommes restés médusés devant ce spectacle qui nous est apparu anachronique dans cette ville. Une partie s'était engagée. Les règles paraissent légèrement différentes de celles de notre pétanque. Les boules sont plus grosses et en bois, le terrain plat est recouvert de moquette. Nous avons bu un Spritz, boisson apparemment peu prisée des habitués, abonnés au vin blanc, et qui nous ont généreusement accueillis. Ce jardin jouxte les jardins potagers du palais Minotto, concessions attribuées par la mairie à des retraités pour cultiver légumes et autres fruits. On ne se serait pas cru à Venise... Puis non loin de là, deuxième surprise de l'après-midi, le Palazzo Zenobio abritant le collegio armenio Moorat. Ce lieu sert aussi pour des expositions d'art temporaires, ce qui était le cas. Pour 1,5 €, nous avons pu visiter les lieux en toute liberté, en particulier, le piano nobile de ce magnifique exemple de palais baroque tardif dont les fresques ont été peintes par un français, Louis Dorigny. Tout est en trompe l'oeil, miroirs et stucs. Nous avons traversé toutes les pièces désertes de ce palais en dehors des oeuvres exposées en partie décrochées, car il s'agissait du dernier jour de présentation. Aucun visiteur, nous étions seuls. Plaisir des yeux (installation vidéo de Alessandro Bavari, Metachaos, excellent), émerveillement pour ces instants magiques. De nouveau sur le fondamenta et là encore juste en face, à la fondation Briati, un édifice insolite dans ces lieux, une colonne grecque reconstituée dont les cinq sections appartenaient au temple de Poseidon au cap Sounion et réalisée au IVe siècle avant JC ! Étonnant ! Le soleil déclinant à l'horizon et nos jambes commençant à fatiguer, nous avons repris le vapporetto à Basiglio pour rejoindre San Zaccharia..., et la casa.