Venise, Conclusion

Pendant ces quelques jours, nous avons suivi les grands.

Nous avons vu naître Casanova dans une minuscule calle (calle Malipiero) où nous n’avons même pas trouvé de plaque commémorant l’événement (les vénitiens lui en veulent-ils encore ?). Nous l’avons observé jouant une partie de pharaon dans le ridotto derrière la place Saint-Marc (maintenant siège de l’alliance française). Nous avons lu le Gazzettino par-dessus l’épaule de Paul Morand à la terrasse de son petit café de Zanipolo en regardant comme lui la statue de l’arrogant Corleoni. Nous avons presque croisé Sollers, sortant de sa pension sur les Zattere.

À ce sujet, dans les quatre émissions consacrées à Venise "les nouveaux chemins de la connaissance", podcastables, Sollers a été très mauvais. Critique sans être constructif. Il ne nous a rien appris sur Venise hormis qu'il semble être le seul à avoir bien écrit sur elle...

Nous avons épié Marcel Proust et Reynaldo Hahn à leur terrasse.Nous avons regardé Ruskin relever un croquis du baptistère de Saint-Marc. Nous avons vu à travers les vitres presque opaques du Harris Bar Ernest Hemingway préparer son Martini Dry (mélange de gin et de Martini) : verser le gin glacé dans un verre (à pied triangulaire) bien froid, poser la bouteille de Martini, attendre quelques secondes et boire… (Truman Capote l’appelait le Silver Bullet). Nous avons épié au fond d’une calle le maître Titien dans son atelier où l’a rejoint le truculent Aretin. Je me suis hissée sur un puits pour prendre la photo… Nous sommes allés jusqu'à la porte du palazzo Barbaro pour tenter de rencontrer Henry James, mais il était trop occupé sans doute par l'écriture des Papiers de Jeffrey Aspern car il ne nous a pas ouvert la porte. Les Curtis, propriétaires du palazzo, sans doute en promenade avec leur cousin John Singer Sargent ne se sont pas montrés non plus.Nous avons suivi Mariano Fortuny alors qu'il était devant le cycle de Sainte Ursule de Carpaccio dans une salle de l'Accademia en train de relever des croquis des manteaux. Le narrateur de la Recherche en offrira un à Albertine...

Nous avons vu passer la gondole mortuaire qui menait Serge Diaguilev vers son dernier séjour de San Michele. Nous avons regardé il Tintoretto monté sur son échaffaudage de la madonna del’Orto en train de mettre la dernière touche à son Jugement dernier ou à la merveilleuse présentation de la Vierge au temple. Nous nous sommes reccueilli sur la tombe de Monteverdi aux Frari, Nous avons vu Canova en train de tailler dans le marbre le mausolée du Titien alors qu’il ne savait pas encore que ce monument serait le sien. Nous avons assisté au baptême de Vivaldi à la Bragora (c'était son anniversaire le 4) puis sommes allés l’écouter avec ses jeunes pensionnaires à l’hôtel Metropole, ancien siège de la Pietà. Nous avons regardé depuis nos fenêtres Franco Pisani, le héros de Campo Morto, jeter l’anneau d’Enzo dans le canal sous le pont des grecs. Nous avons revécu l’incendie de la Fenice de 1996 à travers les yeux du grand verrier Archimede Seguso. Nous avons levé les yeux pour les plafonds des églises, les bas ou hauts reliefs incrustés dans tous les murs de Venise.

Henri de Régnier, ce sera pour le prochain séjour. Quant au comte Aschenbach et Tadzio, nous allons devoir trouver le loueur de vélos du Lido pour les retrouver. Thomas Mann attendra donc aussi. Nous avons bien sûr suivi Corto Maltese et Monsieur Jonglez un peu partout dans Venise.

ET... Nous avons marché !!