Venise, du 4 au 5 avril
5 avril
Donc hier, nous étions dimanche et c'est de grand matin pour Kate que nous sommes allés à San Marco pour la messe de 9 heures. Le spectacle est dans la salle et sur les murs. Grandiose. Époustouflant. Sans comparaison. Inimitable. Venise-Byzance, même combat, mais Venise a perdu même si elle a gagné des papes à Rome et certains cardinaux. D'ailleurs, à ce propos, Kate, qui n'est jamais en reste pour collecter des informations, récupère des dépliants laissés à disposition des fidèles (dont nous faisons partie, fidèles esclavons de Venise). Sur un des dépliants il est annoncé, il viendra et nous le verrons. La vie est faite de rendez-vous et nos pas ce matin-là nous ferons croiser nos destinées, la sienne, à l'intérieur et la nôtre, à l'extérieur. Mais n'anticipons pas. Donc nous sommes en train de "prier" en regardant le ciel au-dessus de nous, assis dans le transept, ciel couvert de mosaïques. Les personnages ont pour certains un déhanché tout à fait singulier, rendant leur posture esthétique et dynamique.
Quittant San Marco par la porte latérale et oubliant d'admirer le rhinocéros de mosaïque, nous débouchons sur la place. Le soleil nous accueille. Les premiers groupes de touristes affluent de toute part. Notre décision de faire le sestiere San Marco ce dimanche n'a peut-être pas été la meilleure décision.C'est certainement le quartier le plus fréquenté, donc le moins fréquentable...
San Zulian ou San Giuliano ou la façade du grand mégalo-maniaque : Tommaso Rangone (il a réussi à se faire représenter par Tintoret sur des
toiles destinées à la Scuola grande di San Marco. Ces toiles furent refusées par les frères qui trouvaient Rangone un peu trop envahissant. Pour faire accepter les toiles, Tintoret proposa d'en
effacer la figure de Rangone. Pour ses funérailles, il avait imaginé une mise en scène grandiose dont je ne sais si elle fut respectée. Il avait découvert en Amérique du Sud un arbrisseau capable
de guérir de la syphilis !!! C'est avec un rameau de cette plante qu'il est représenté au-dessus du portail de San Giuliano).
Sans Salvador ou le Titien à éclipse... Derrière la Transfiguration du Christ dudit Titien se trouve la "pala d'argento, visible
seulement trois fois par an (pâques, Noël et le 6 août). Ces jours-là, un système de contrepoids fait disparaître le Titien pour dévoiler cet objet de culte. On a loupé la date...
Les cloîtres cachés derrière l'agence des Telecom Italia, deux magnifiques cloîtres, ignorés de la foule qui passe à quelques pas de
là, découverts une fois de plus grâce à notre guide.
La tête de la vieille femme dont l'histoire est la suivante : vieille avare, elle avait cousu tout son magot dans la doublure d'un vieux manteau. Son fils qui n'était pas au
courant fit cadeau de ce manteau à un pauvre sans abri. La vieille, lorsqu'elle apprit cette catastrophe, raconta tout à son fils et lui dit qu'il hériterait de tout ce que contenait le manteau
s'il le retrouvait. Celui-ci retrouva le mendiant, lui proposa un autre manteau en meilleur état et retrouva le magot de sa mère. Avec cet argent, il ouvrit une pharmacie et fit sculpter cette
statuette à l'arrière de sa boutique pour remercier sa mère.
Le graffiti de l'homme à la pipe (y'avait pas que du tabac dans la pipe). Un homme avait pour habitude de fumer sa pipe au bord du Grand Canal devant le palais Loredan. Un soir, il vit sortir de l'eau deux énormes bras noirs qui se saisirent de deux fillettes qui passaient par là sur une gondole. La "chose" disparut dans les flots avec les enfants. L'homme à la pipe, au désespoir, s'approcha du bord du canal et, les bras en croix, implora la créature de rendre les enfants et de le prendre, lui, à la place. L'horrible monstre, qui n'était autre que le diable, vous l'aurez compris, stupéfié par les bras en croix, signe divin, rendit les enfants, laissa l'homme et s'enfuit sans demander son reste. En souvenir de cette histoire, on fit ce graffiti sur l'une des colonnes du palazzo Loredan.
San Luca et son éminence:
Sur le dépliant "piqué" à San Marco, on annonçait la visite en grandes pompes du Patriarche de Venise, Monseigneur le Cardinal "Rosa" et
voilà t'y pas qu'en voulant visiter San Luca, nous trouvons des bancs pleins à craquer et dans le choeur une multitude de prélats, tous plus beaux les uns que les autres, tous habillés de rose.
C'était lui, avec la crosse !! La chance !!
Campo Manin
Campo San Angelo et son campanile tronqué.
S'il est tronqué, et abrite maintenant une boutique de souvenirs, c'est que lors de sa construction, il pencha si dangereusement qu'on fut obligé de le détruire. Une nouvelle tentative avorta. On s'arrêta donc à ce que vous voyez ci-contre. On y vend maintenant des Murano fabriqués à Taïwan.
La Fenice et son restaurant à éviter (nous sommes partis au milieu du repas en payant ce que nous avions consommé tellement c'était
mauvais).
Retour à la Casa pour une sieste bien méritée.
La Guidecca et ses églises fermées le dimanche, Sophie et son oeuvre.
Lundi 5, donc, partis tôt pour explorer le Cannaregio. Le but de la journée était les Gesuiti, prétexte comme un autre, raison sans en être, envie tout simplement.
Il est un peu plus de 5 heures du matin. La nuit est dense. La fondamenta San Lorenzo est déjà illuminée (restaurant et terrasse). Une homme oeuvre (déjà) au nettoyage et à la mise en place des tables. Les petites lumières se reflètent dans l'eau calme du rio des Grecs. Aucun bateau ne circule à cette heure matinale. Je descendrais bien pour marcher dans la nuit mais je suis sensé écrire les évènements de la veille.
52 photos résument et illustrent cette iPhonique journée.
Retour sur le dimanche 4 : Départ 9 heures 30 - Retour 17 heures 30
• Librairie Française (achat des Mémoires de Giorgione par Claude Chevreuil)
• Zanipolo
• Bibliothèque San Marco au-dessus de l'Ospedale de Zanipolo
• Recherche du graffiti de l'homme qui avait arraché le coeur de sa mère (pas trouvé)
• Campiello Santa Maria Nova, pharmacia Alle due Colonne
• Les deux ancres porte-bonheur
• Le jardin des soeurs dominicaines
• La trattoria storica
• Chiesa San Maria del'Orto, église du Tintoret (Le Jugement Dernier)
• Vaporetto jusqu'à Fondamenta Nove
• Gesuiti
• Vaporetto Canale Grande jusqu'à San Marco
• Codognato
• Repas du soir à l'Oliva Nera
Zanipolo (diminutif des vénitiens pour San Giovanni e Paolo) : Ci-contre, un superbe Bellini. Juste à côté de l'église se trouve l'Ospedale Civile, magnifique bâtiment qui abrite un véritable hôpital. Au-dessus d'un escalier fermé par une grille se cache la Biblioteca San Marco, dédiée à la médecine. Il suffit de sonner et la porte s'ouvre miraculeusement. Nous sommes les seuls visiteurs. Nombreux livres et instruments de médecine dont certains sont si barbares que René n'a même pas voulu les photographier...
Ci-dessous, le hall de l'Ospedale.
La Farmacia alle due colonne
C'est elle qui avait l'antériorité du nom. Elle a donc conservé ses deux colonnes. Sa spécialité était la Teriaca fina, remède miracle déjà fabriqué sous Néron, constitué de plus de cinquante ingrédients dont la poudre de vipère (qui lui donne son nom, du grec Therion, qui signifie vipère), la poudre de testicules de cerf, corne de licorne. Elle devait guérir de la peste, de toutes les maladies contagieuses, des piqûres en tout genre, de la tuberculose, des maux d'estomac, des problèmes de vue, etc. Devant la pharmacie, on peut encore voir l'emplacement du chaudron qui servait à préparer la Teriaca.
Les deux ancres porte-bonheur :
À l'angle d'un mur, deux ancres sont attachées à la pierre. Il paraît que si on les frappe violemment contre le mur, en passant, elles vous porteront bonheur. Devant nous une jeune femme rentrait chez elle, chargée de courses. Sans même regarder les deux morceaux de fer, elle a levé le bras pour les claquer contre le mur, machinalement. Tous les vénitiens font sûrement la même chose, ce qui explique la trace en creux sur la pierre d'angle. Évidemment, nous avons usé du talisman.
Un peu plus loin deux anneaux de fer disposés comme les ancres sont le témoin de la barbarie ancienne : c'était les anneaux du pilori. Ils ne portent pas bonheur...
Nous sommes entrés chez les soeurs dominicaines après un simple coup de sonnette. Encore fallait-il savoir où sonner. Calme et sérénité dans ce jardin entretenu au cordeau.
Dans l'église du Tintoret (Jacopo Robusti) on trouve bien sûr le tombeau du Tintoretto, mais surtout des fresques de lui partout, au
plafond, sur les murs, dans les angles. Là se trouve le magnifique "Jugement Dernier". Ce qui est merveilleux à Venise, c'est que les oeuvres d'art y sont visibles dans les endroits pour lesquels
elles ont été peintes ou sculptées. La luminosité n'y est pas toujours fameuse, mais c'est ainsi que les voyaient les contemporains des peintres.
Les Gesuiti : Il y a tellement à dire sur cette église de marbre. Colonnes torsadées, marquetées, chaire sculptée dans le marbre, plafonds, mosaïques, du marbre partout :
Tout d'abord, ne pas confondre Gesuiti et Gesuati. Les premiers, les jésuites, furent chassés de Venise en 1656 parce qu'ils avaient soutenu la papauté (la concurrence était sévère entre Rome et Venise). Mais Venise ayant besoin d'argent négocia avec Rome le retour des Jésuites en échange des biens des Crociferi dont l'histoire est peinte dans la sacritie de l'église (encore un lieu secret que personne ne visite). Les Crociferi, c'est surtout l'histoire de la découverte de la croix par Hélène, la mère de Constantin, le premier empereur romain chrétien. Alors Hélène, après avoir tout de même torturé pendant sept jours un juif qui connaissait l'emplacement des trois croix (celle de Jésus et celles des larrons), Hélène donc, retrouva les croix. Mais laquelle était LA Croix ? Il fallait un miracle. Et il eut lieu : un jeune qui venait de mourir fut immédiatement ressuscité quand son corps toucha le bois de la croix du Christ. C'est à partir de ce moment qu'on commença à débiter cette croix qui si l'on en croit les reliques du monde entier devrait peser quelques tonnes...
Nous avons terminé cette lourde journée par le repas d'anniversaire à l'Oliva Nera, bon restaurant juste en bas de "chez
nous".
Programme du lundi 5
Départ vers 10 heures 30
• Santa Maria Formosa
• Vaporetto jusqu'à Rialto
• Visite à l'encadreur près de la Ca' Pesaro
• Santa Maria Mater Domini
• San Giacomo dell'Orio
• Campo San Agostin
• Les Frari
• Scuola Grande di San Rocco
• Retour, tombés dans le lit
(voir le détail dans l'article suivant)