Les Necker (d'après Timothy Shaw)
Ayant constaté une entrée récurrente sur le blog par le biais d'une recherche Google sur "le tombeau des Necker", j'ai tenté de traduire l'article écrit par Timothy Shaw sur le sujet. Je suis persuadée qu'il ne me tiendrait pas rigueur de ma mauvaise traduction...
NECKER, Jacques (1732-1804)
Banquier suisse, homme d'état, auteur en politique et finances
Necker est né à Genève, où son père, originaire de Cüstrin en Poméranie, était professeur de droit public. En 1747 il fut envoyé à Paris pour travailler dans l'agence bancaire Vernet. Plus tard, il fondera la banque Necker et Thellusson qui aura une importante succursale à Londres. Grâce à des prêts au Trésor et à des spéculations sur le grain, Necker devint très riche. En 1763 il tomba amoureux de Madame de Vermerioux, mais l'année suivante, il épousa sa dame de compagnie, la Vaudoise Suzanne Curchod, qui avait inspiré plus tôt à Gibbon une passion de jeunesse. Elle était très ambitieuse, poussait Necker à des postes officiels et administratifs et avait son propre salon qui rivalisait avec ceux de Madame Helvétius ou de Madame Geoffrin. En 1875 Necker écrivit l'Essai sur la législation et le commerce des grains, attaquant les théories de Turgot. En 1776 Necker fut nommé ministre des finances en France. En 1781 il publia le Compte rendu au roi, fut démis de son poste, et se retira à Marolles avec sa femme et sa fille Germaine. En 1784 Necker fit l'acquisition de l'état et de la baronnie de Coppet, près de Genève, considérant cela, à cette époque, plus comme un investissement et une source de revenus que comme une résidence principale.
En 1786 Germaine épousa le Baron de Staël. En 1787 Necker attaqua Calonne, et fut banni des quarante ligues de Paris ; mais en septembre 1788 il fut rappelé comme ministre des finances. Puis les États Généraux furent appelés. Le 11 juillet 1789 Necker fut à nouveau démis de ses fonctions, et le 14 juillet la Bastille tomba. Sous les acclamations populaires, il fut rappelé, mais après des insuccès politiques et disgracié par la cour, il fut obligé de renoncer en septembre 1790. Lui et sa femme fuirent Paris, leur attelage fut bombardé de pierres à Vesoul, mais ils réussirent à regagner Coppet sains et saufs. Coppet devint dès lors leur résidence principale. Suivant la coutume locale, ils louèrent également un appartement à Genève pour y passer les durs mois d'hiver. Jamais les deux Necker ne furent aussi misérables. Lui, marqué par sa dégringolade politique, et elle, déprimée par la perte de son salon parisien, retirée, inconsolable, dans son lit ; elle commença à prendre de l'opium. Gibbon écrivit ironiquement à Lord Sheffield au sujet de leur misère ; les émigrés de Lausanne leur en voulaient de leur propre condition, et ne les recevaient pas ; et les Genevois se réjouissaient de leur disgrâce car les Necker les avaient regardés de haut. En octobre 1792 la Savoie fut envahie par les troupes révolutionnaires françaises ; en décembre la révolution éclata à Genève. Germaine s'était échappée de Paris pour rejoindre Coppet ; les Necker étaient en état de choc ; puis ce furent les massacres de septembre. Avec l'aide de Gibbon, les Necker abandonnèrent Coppet pour une maison à Rolle (toujours existante au 99 Grande Rue) qui appartenait à un ami de Gibbon, Sévery. Ce fut depuis cette maison que Germaine, en décembre 1792, entreprit son voyage imprévu pour retrouver son amant Narbonne, à Juniper Hall dans le Surrey. En 1794 les Necker louèrent le château de Beaulieu à Lausanne. Ils se considéraient eux-mêmes comme des réfugiés fuyant la situation politique de Genève. Mais l'autre raison de leur présence à Lausanne était l'éminent docteur Tissot dont les soins étaient urgemment requis par l'état grave de madame Necker, maintenant dans les dernières transes de sa maladie. Germaine arriva à Lausanne le 1er mai ; le 15, sa mère mourait. Pendant la dernière semaine de Suzanne Necker, son mari se tint pendant des heures, immobile, à côté de son lit ; pour obéir à ses désirs, des musiciens venaient le soir jouer de la musique solennelle ; parfois, Germaine chantait en s'accompagnant au piano, faisant fondre son père en larmes. Après la mort de sa mère, Germaine vit son père se tenir des heures durant devant la fenêtre, les yeux dans le vague au dessus du lac et jusqu'aux Alpes, suivant la course du soleil... Madame Necker avait laissé des instructions particulières pour son enterrement, et elles furent suivies à la lettre. Des architectes dessinèrent un mausolée à Coppet (maintenant caché derrière un grand mur au milieu d'un bosquet) contenant un bassin de pierre assez large pour accueillir son corps et plus tard, celui de son mari et qui devait les préserver pour toujours, comme des spécimens anatomiques, dans un bain d'alcool. Pour les trois mois d'été, durant lesquels constructeurs et maçons oeuvraient à Coppet, Suzanne Necker, toujours nageant dans les esprits de vin, dut reposer dans un cercueil spécial entreposé dans l'une des pièces de Beaulieu où elle était régulièrement visitée par Jacques Necker. Le mausolée fut enfin achevé ; Madame Necker y fut transportée ; et là commencèrent pour Necker les dix dernières années solitaires de sa vie. Il les passa à Coppet ou dans son appartement d'hiver dans le vieux Genève. Ses activités furent essentiellement littéraires ; ses seuls contacts familiaux furent sa fille, à l'occasion de ses visites irrégulières et impromptues, ou sa nièce Albertine. Necker écrivit alors un livre sur la révolution, un sur le procès de Louis XVI et un sur sa propre administration des finances. Son travail fut temporairement perturbé par l'invasion française de la Suisse en 1798. Il détruisit à cette occasion nombre de ses papiers politiques, puis le danger s'éloigna. En mai 1800 il obtint une entrevue avec Bonaparte, alors à Genève, en route pour sa campagne de Marengo, dans le but de plaider la cause de sa fille. À cette occasion, le Premier Consul fit une forte et favorable impression sur Necker mais il semble que ce ne fut pas réciproque ; et quand, en 1802, l'ex-ministre de Louis XVI publia ses Dernieres vues de politique et de finance, proposant un rôle constitutionnel pour Bonaparte, ce dernier fut furieux, et chassa immédiatement Germaine de Paris. Necker vit sa fille pour la dernière fois le 16 septembre 1803 ; Cette visite de Germaine à Coppet ne fut pas exempte de tensions, mais sa lettre de départ à son père exprimait tout son amour et l'inquiétude qu'elle se faisait pour lui. Au déjeuner, il n'y eut pas d'adieux formels ; Necker se retira dans son bureau pour lire les journaux et c'est de là qu'il entendit le carrosse de sa fille quitter la cour du château. Necker mourut le 9 avril 1804, alors que Germaine de Staël voyageait à travers l'Allemagne, et son corps fut couché aux côtés de son épouse dans la baignoire de pierre du mausolée de Coppet. Quand, en 1817, la tombe fut ouverte pour recevoir le cercueil de Germaine, les deux Necker baignaient toujours dans leur bain d'alcool, leurs corps recouverts par une pellicule rouge. La tête de Suzanne faisait un angle vif sur le côté, mais les restes de Jacques Necker étaient parfaitement préservés.
Voir aussi la vie de Germaine de Staël