Les chefs d'accusation - 5ème partie
Quatrième chef d’accusation
Usurpation de titres et charges nobiliaires
Couronnement comme Empereur des Français (2 décembre 1804)
Le couronnement de Napoléon comme Empereur des Français eu lieu le dimanche 2 décembre 1804 dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. Le 18 mai 1804, le sénat changea le gouvernement républicain en empire et les préparatifs pour le couronnement du nouveau souverain commencèrent. L’élévation de Napoléon au rang d’empereur fut acclamée par la majorité des citoyens français et approuvée par un référendum constitutionnel en 1804.
Napoléon entendait légitimer son gouvernement impérial par une nouvelle famille royale et une nouvelle noblesse. Pour mettre en œuvre un tel dessein, il élabora une nouvelle cérémonie de couronnement, différente de celles en usage pour les rois de France où était mis l’accent sur la valeur de la consécration du souverain avec l’onction appliquée par l’archevêque dans la cathédrale de Reims. En revanche, la cérémonie du couronnement de Napoléon eut lieu dans la grande cathédrale Notre-Dame de Paris en présence du pape Pie VII. Pour l’occasion, Napoléon rassembla une série de rites et de costumes, en incorporant des cérémonies de la vieille tradition carolingienne et de la Révolution, avec un faste considérable.
Le couronnement comme Roi d’Italie (26 mai 1805)
Le couronnement de Napoléon Bonaparte comme Roi d’Italie fut célébré le 26 mai 1805 dans la cathédrale de Milan.
Quatre jours avant le couronnement, trois carrosses de cour furent envoyés à Monza pour chercher la Couronne de Fer de la reine Théodelinde qui, apportée à Milan, fut déposée sur le maître-autel de la cathédrale et gardée jour et nuit par deux jeunes Monziens.
Le couronnement à Milan fut fastueux, plus encore que celui de Paris en décembre 1804 : le matin du jour fixé, sous un soleil splendide, le peuple attendait en foule place du Duomo l’arrivée du cortège ; toutes les cloches de la ville sonnèrent à toute volée et l’artillerie tira des salves. À onze heures et demie arrivèrent l’impératrice Joséphine de Beauharnais et Élise Bonaparte Baciocchi dans de richissimes vêtements ; elles allèrent occuper leurs places dans la tribune dorée pour jouir du spectacle. Peu après commença le défilé du cortège, ouvert par les représentants de la garde française, puis italienne, suivis des hérauts, pages, majordomes, huissiers et assistants. Vinrent ensuite les Attributs de Charlemagne : le cardinal Carlo Bellisomi portait la couronne, Joseph Fenaroli Avogadro le sceptre, le prince Félix Baciocchi, épouse d’Élise Bonaparte, la main de justice, le maréchal Jourdan, l’épée. Vinrent derrière les attributs de l’Italie : la couronne portée par Francesco Melzi d’Exil, le sceptre par Antonio Aldini, la main de justice par Anzian, l’anneau par Bovara, l’épée par le prince Eugène de Beauharnais, Suivait enfin Napoléon : de la main, il tenait le sceptre et la main de justice, sur la tête, il avait la couronne impériale, sur les épaules le manteau royal de velours vert, dont la traîne était soutenue par le général Berthier et après lui une foule de grands officiers civils et militaires de l’Empire et du Royaume. À la porte de la cathédrale (Duomo) l’attendait le Cardinal Giovanni Battista Caprara Montecuccoli accompagné de seize évêques et dix conseillers des sièges vacants.
Napoléon, sous un baldaquin soutenu par des chanoines, fut accompagné jusqu’au trône puis la cérémonie commença, accompagnée de marches et chœurs triomphaux, exécutés par plus de deux cent cinquante instrumentistes, dirigés par les maîtres Pollini et Minoia. Quand furent finis les chœurs, les marches et les prières, les grands officiers du royaume déposèrent les Attributs royaux : le cardinal les délivra à l’empereur qui tendit l’épée au Prince Eugène, futur vice-roi d’Italie ; puis, s’approchant de l’autel, Napoléon prit la Couronne de Fer, se la mit sur la tête par-dessus la couronne impériale et prononça les paroles célèbres : « Dieu me l’a donnée, gare à qui la touche ».
Après le couronnement fut célébrée la messe, après quoi le souverain prononça le serment sur l’Évangile. Alors, le chef des hérauts proclama : « Le très glorieux et très auguste empereur et roi Napoléon est couronné et intronisé, Vive l’empereur et roi ! » ; et le peuple lui fit écho : « Vive l’empereur et roi ! ». On entonna le Te Deum ; puis, le cortège royal retourna au palais où fut servi un repas de gala. Dans l’après-midi, Napoléon se rendit à Saint Ambroise, où fut joué un second Te Deum. Des courses de cavaliers, des bals, des vols de ballons aérostatiques, des illuminations de la ville terminèrent cette journée historique. Napoléon Bonaparte sera le dernier souverain italien à ceindre la Couronne de Fer, tradition qui existait depuis l’époque lombarde.
La noblesse d’empire française
La noblesse d’empire française était composée de ceux qui avaient reçu un titre nobiliaire pendant le premier empire, avec le droit de le transmettre aux descendants aînés de sexe masculin. Napoléon voulait créer une élite stable, s’inspirant directement de la noblesse de l’ancien régime et suivant également la tradition du majorat qu’il avait pourtant voulu abroger dans le Code civil de 1804.
La noblesse d’empire naquit justement en 1804, la même année que le Code civil, avec les premières créations du titre de prince, à l’intérieur de la famille impériale. En 1806 furent faits les premiers ducs et en 1808, les premiers comtes, barons et chevaliers. Napoléon institua un système inspiré de la vieille noblesse avec le décret du 1er mars 1808. Son objectif, en même temps que la création de sénateurs et la nomination de membres de la Légion d’Honneur, était d’amalgamer la noblesse de l’Ancien régime avec la nouvelle bourgeoisie révolutionnaire émergente, afin de pouvoir instituer une élite fidèle au régime impérial. Cette décision fut accompagnée de la création d’un Conseil du sceau des titres, chargé de créer des armoiries spéciales, réservées à cette nouvelle noblesse.
Bien sûr le titre différait en fonction du rôle recherché et à l’importance de l’honneur obtenu. La transmission du titre pouvait être légitime, naturelle ou adoptive, toujours à l’aîné de sexe masculin. À la Restauration, en 1814, comme confirmé dans l’article 71 de la Constitution, « La vieille noblesse reprend possession de ses propres titres, la nouvelle conserve ceux obtenus ».
La hiérarchie des titres était liée aux fonctions exercées :
« Le titre de prince était destiné aux membres de la famille impériale et à certains ministres d’État ou maréchaux d’Empire ;
« Le titre de duc de l’Empire était attribué aux principaux dignitaires, aux ministres d’État, aux maréchaux ;
« Le titre de comte de l’Empire était réservé aux ministres, sénateurs, archevêques, conseillers d’État et présidents du corps législatif ;
« Le titre de baron de l’Empire était accordé aux présidents de la Cour des comptes, aux évêques, aux maires des villes moins importantes, etc. ;
« Le titre de chevalier de l’Empire était assigné aux membres de l’Ordre de la Légion d’Honneur.
La nouvelle noblesse était constituée en Grande partie de militaires (67,9%), auxquels s’ajoutaient des fonctionnaires (22%) et des nobles de l’Ancien Régime. L’empereur considérait comme ridicule le titre de marquis quand bien même ses frères l’attribuèrent dans leurs royaumes. Son absence dans la noblesse d’Empire française lui conféra cependant une signification de prestige particulier quand, sous la Restauration, il fut utilisé comme preuve irréfutable de fidélité à la monarchie des Bourbons.
Sur un total de 3300 titres attribués, 34 étaient des princes et des ducs, 417 des comtes, 1550 des barons et 1317 des chevaliers.
On pouvait distinguer quatre types de titres de prince :
- le fils né de l’empereur portait le titre de Prince impérial ;
- les membres de la famille impériale portaient le titre de Prince français ;
- les princes souverains étaient théoriquement les chefs d’état d’une principauté vassale de l’Empire ;
- les titres de victoire étaient accordés à tous ceux qui, surtout militaires et maréchaux de valeur remarquable, avaient accompli des actions extraordinaires pendant les batailles ou s’étaient particulièrement distingués.
Les ducs grands seigneurs étaient des nobles d’Empire, qui ne détenaient toutefois aucune souveraineté temporelle. Dans ce cas également étaient accordés des titres de victoire, comme pour les princes. Le titre permettait l’accès à ceux qui déclaraient des rentrées annuelles d’au moins 200 000 francs français et était attribué à certains ministres ou maréchaux d’Empire.
Était admis au titre de comte qui disposait d’une rente d’au moins 30 000 francs par an : le titre était assigné normalement aux sénateurs, ministres et archevêques. De 1808 à 1814 furent créés 388 titres de comte.
Pour obtenir le titre de baron, il fallait posséder une rente annuelle d’au moins 15 000 francs. Les maires des grands villages et les évêques obtenaient automatiquement un tel titre. De nombreux généraux obtinrent le titre de baron d’Empire. De 1808 à 1814, 1090 titres de baron furent créés.
Le titre de chevalier se justifiait par une rente annuelle d’au moins 3 000 francs et il était possible de l’obtenir sans avoir été décoré de la Légion d’Honneur. De 1808 à 1814 furent créés 1600 titres de chevalier.
Napoléon autorisa les souverains des états vassaux de l’Empire à créer des titres de noblesse pour leurs sujets, comme ce fut pour Joseph Bonaparte dans le royaume d’Espagne, Joachim Murat dans celui de Naples et pour Louis Bonaparte dans le royaume de Hollande. Les vassaux, en plus d’accorder les titres courants de l’échelle impériale (duc, comte, baron), pouvaient aussi accorder le titre de marquis. Personne n’avait l’autorisation de faire des princes.
REQUÊTES SUR LE QUATRIÈME CHEF D’ACCUSATION
Le ministère public déclare l’accusé Napoléon Bonaparte coupable d’usurpation de titres, pour lui, pour sa famille et acolytes.
Crime d’autant plus surprenant pour qui avait promulgué le Code civil, qui abolissait le majorat dans les successions héréditaires, l’année même (1804) où il s’auto-couronnait Empereur, pour créer ensuite une noblesse postiche et servile.