"La marque sur le mur" (VW)* dans l'atelier de Sophie

Du bout du pied je découvre une poubelle, amas informe de déchets quotidiens essentiellement recyclables entassés et débordant d’un sac de course (Simply), coincé entre un carton rempli de sacs en papier anonymes et deux tubes de transport de toiles achevées.

Ce grand espace plus ou moins carré de 5x5 m s’ouvre sur une seule grande fenêtre en demi-cercle donnant sur le Rio di San Lorenzo : l’atelier. Un pêle-mêle hétéroclite « encombre » ce lieu de création : certains de ces objets, en particulier les photos, servent de modèle aux peintures de Sophie, associant les travaux à l’éponge, aux pinceaux et à l’aquarelle fixés aux murs avant d’être montés sur châssis.

Peinture de lieux intermédiaires découverts le plus souvent par l’objectif photographique représentant plusieurs niveaux de perception visuelle superposés dans un jeu de miroirs et de reflets de vitres avec des mises au point variables sur les différents plans optiques.

Comme cette grande toile entr'aperçue derrière  son voile de papier-bulle découvrant dans un paysage verdoyant et étrange : un bras allongé dans une position incertaine dont le où la propriétaire est hors cadre — est-il vivant ou pas — où un petit personnage au loin semble avoir été témoin de l’action et où deux véhicules non identifiés croisent la scène sans y faire attention ou fuient-ils le lieu d’un événement auquel ils ne veulent pas participer…, ou être impliqués ? Dans cette reconstitution plusieurs reflets se superposent et s’entrecroisent renforçant le côté faussement dramatique de la scène qui paraissait au premier abord inquiétante et presque angoissante ! Ce n’est que le résultat d’un jeu de plans optiques reflétés plusieurs fois d’une scène contemporaine banale que notre mémoire ne retient pas, mais que l’objectif photographique va immortaliser et que le travail de Sophie va fixer sur la toile donnant à ce temps et à ce paysage « intermédiaires » une valeur intemporelle.

Quelle est cette marque sur le mur ? Trace laissée par un bout de papier collant servant à fixer la toile à venir sur le mur servant de chevalet ou avatar du support des fresques anciennes. Le terme vient de l'italien affresco qui signifie « dans le frais ». Et dans les synonymes, fresque est l’équivalent de cliché, ce qui correspond bien aussi au travail de Sophie que ce soit par l’utilisation de la photo comme modèle et de sa transmutation en peinture plane et économe en fines touches de pigments.

*La Marque sur le mur, texte de Virginia Woolf 

On peut l'écouter dans un podcast de France Culture, lu par Michael Lonsdale :

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/bonnes-nouvelles-grands-comediens-michael-lonsdale-dit-un-texte-de-virginia-woolf-8247855