La Promesse d'un bon livre

Publié le par kate.rene

La Promesse d'un bon livre

Le cordon ombilical était trop solide.

Ce couple "incestueux" ou "œdipien" est composé d'une mère génitrice et protectrice par essence et par nature et d'un fils, reconnaissant et combattant sans relâche pour cette mère, dont il ne connaîtra que lui comme homme dans sa vie à Elle..., et à qui il offrira ses réussites tant espérées par Elle : un chef d'œuvre littéraire, une médaille, une ambassade ; il y réussira..., mais un peu trop tard cependant.

Étendu sur la plage de Big Sur, lieu mythique entre San Francisco et LA ca., et au milieu des éléphants de mer qui peuplent le bord de l'océan pacifique en certaines périodes de l'année, Romain Gary plonge dans le passé et dans ce qui fut sa seule famille, sa mère ; le père est absent et il n'y a personne d'autre. De Wilno, actuelle Vilnius en Lituanie, et fuyant la répression antisemite, ils passeront par Varsovie, puis arriveront en France, lieu rêvé de la mère, lieu fantasmé de la réussite pour le fils. Ils sont pauvres. Et pourtant, la vie de la mère sera entièrement tournée vers et pour la réussite du fils. Elle le sublimera, elle le portera aux nues, elle l'idolâtrera. Tous les moyens seront bons. Elle lui apprendra la mystification, le déguisement, l'affabulation, tous les ingrédients nécessaires pour devenir un vrai romancier, un vrai conteur d'histoires.

Vingt-cinq ans au début de la guerre de 1939, il sera dans l'aviation, mais son amour-propre en prendra un sérieux coup : il ne sera pas nommé lieutenant, car sa naturalisation est trop récente. Catastrophe pour lui, bien sûr, mais surtout pour sa mère..., comment le lui annoncer ? Étonnant dialogue de sourds, tout est dans la présentation de ce faux semblant. Être ou paraître le poursuivra tout sa vie.

Il échappera à la mort de très nombreuses fois comme un véritable héros de BD, sans pour autant faire des exploits. Les accidents d'avion, la guerre et la typhoïde n'auront pas raison de lui. Il survivra au carnage.

La correspondance qu'il reçoit de sa mère pendant cette période est un modèle du genre, rarement égalé et d'une touchante tendresse maternelle bien réelle sinon abusive et sûrement excessive. Comment sortir indemne de cet emprisonnement, de ce carcan affectif sinon par la fiction, la mystification, l'envie de changer d'identité pour brouiller les pistes ? Comment couper le cordon ombilical ?

Après la guerre, voulant aller voir sa mère qu'il n'a pas vue depuis quatre ans, il découvrira la mise en scène et les dessous de cette correspondance. Épisode bouleversant digne d'un roman et qui est pourtant sa réalité à Lui, toujours entre le réel et la fiction, entre le vrai et le faux, entre la comédie et la vie.

Ce livre magnifique écrit dans un style alerte, ironique et drôle cache le drame de la Vie de cet auteur qui fut le seul écrivain à avoir reçu deux fois le Prix Goncourt sous deux noms d'emprunt différents et dont le centenaire de la naissance est commémoré cette année.

La promesse de l'aube. 1960 édition de poche actualisée - Folio - ISBN 9782070363735

Le magazine littéraire, mai 2014, dossier "Tout sur leur Mère", p 36

*Romain Gary pour, Les Racines du Ciel, en 1956, Emile Ajar pour La Vie devant Soi, en 1975, son véritable nom est Roman Kacew.

Enfin , une interview trouvée sur YouTube

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