Journée blanche pour jeune fille disparue...

Publié le par kate.rene

Coucher de soleil sur le lac Léman - Ferdinand Hodler

Coucher de soleil sur le lac Léman - Ferdinand Hodler

Dans le train-train actuel de nos lectures, un accident est survenu. Pendant une journée, hier lundi, pas une ligne, nada, la panne ! Nous avons laissé tomber nos « héros » du moment : l’industrieux Ulysse dans son interminable retour vers Ithaque (deuxième lecture de l’Odyssée, nouvelle édition de la traduction de Philippe Jaccottet, excellent, magnifique, magique) ; les Mémoires d’Alexandre Dumas dans lesquels il raconte son père (son héros), le Général Dumas, qu’il n’a pratiquement pas connu, car celui-ci est mort à moins de quarante ans alors qu’il n’en avait que quatre ; notre narrateur préféré au début de la Prisonnière (quatrième lecture d’À la recherche du Temps perdu ; et enfin notre nouveau héros, Rodolphe, Prince d’un état germanique imaginaire, justicier à ses heures dans les éblouissants Mystères de Paris d’Eugène Sue. Tous abandonnés pour une jeune fille disparue au bord du lac Léman.

« Au dessus du lac, la lune, immense, a remplacé le soleil, dans une étrange symétrie. Un disque en négatif de l’autre disque. 
Elle est un visage nu, dénué de bouche, qui voudrait me dire quelque chose, mais les mots sont prisonniers à l’intérieur du voile qui la recouvre.
Tout autour, les planètes me regardent, muettes.
Le silence du monde pour m’aider à penser.
Plonger en moi » (p.300)

Benjamin raconte sa vie depuis que Summer, sa soeur, s’est évaporée il y a vingt-quatre ans et treize jours au cours d’un pique-nique au bord du Lac aux environs de Genève. Elle venait d’avoir dix-neuf ans.

« La nuit, Summer me parle sous l’eau. Sa bouche est ouverte, palpitante comme celle des poissons noirs.
Viens me chercher Benjamin s’il te plaît Je suis là, juste là Viens me chercher S’il te plaît s’il te plaît.
Comme un chuchotement, le murmure de l’eau.
Je suis là » (p.13)

A la suite de ce drame se révèlent des secrets que le Lac en charriant les eaux du Rhône aurait pu faire disparaitre à jamais si… Mais la nature humaine est récalcitrante au nettoyage en eaux troubles et n’oublie pas facilement. Et les corps remontent en surface tout comme les souvenirs et les non-dits resurgissent à un moment donné comme une bulle d’air remontant des fonds du Lac et qui éclate dans un pfff assourdissant. 
D’une écriture implacable et directe, tout en conservant un lyrisme poétique mesuré mais envoûtant (avec accent circonflexe s’il vous plaît, rebelles nous sommes !), l’addiction vous gagne. L’histoire de cette jeune fille et de son frère vous kidnappe une journée car le livre vous colle aux mains. Acheté à 8h47 à Auchan, Avallon, la dernière page fut consommée à 21h31 le soir même, hier.

Summer, Monica Sabolo, éditions J.C. Lattès, août 2017 - ISBN 
978-2-7096-5982-6

Le Magazine Littéraire d’octobre 2017 : « L’ombre d’une jeune fille en fleur » p. 52 


 

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