Voyage de printemps - Padova
Vendredi 29 avril
Départ à 10:45. Arrêt pique-nique peu après Dijon sur aire d’autoroute. Direction Yverdon pour déposer divers appareils son chez M. Michalak. René me dit qu’on vient de traverser la Saône ! Il est 12:44.
Nous avons lu ce matin un article du Monde diplomatique analysant les opinions des grands de ce monde sur la menace poutinienne de déclencher la 3ème guerre mondiale. Pas très rassurant. La conclusion étant que la stratégie ne doit pas s’appuyer sur une éventuelle folie de ce malade qu’est Poutine : “…tout en considérant l’affrontement avec lui comme un jeu de dégonflé où le premier qui cédera perdra. Se persuader de cela mène soit à la destruction mutuelle (je ne cède pas malgré la folie de l’adversaire), soit à la défaite sans guerre (je cède en raison de sa folie). Ces dernières semaines, certains semblent accepter que cette combinaison, la pire de toutes, puisse mériter le nom de stratégie”.
La Suisse est riche de ces noms de rue qui font tant rire mia moglie. Comment trouver le 34 rue du Milieu à Yverdon les Bains, canton de Vaud, quand tous les sens interdits ont été modifiés et que des bornes ont été érigées dans les zones piétonnes de cette petite cité bien suisse et bien tranquille, ce qui rend cette adresse inaccessible, mais peu importe, continuons, les Alpes nous attendent et depuis Montigny, nous attaquons la montée du Grand St Bernard dont le col est fermé (enneigé à ce qu'il paraît, nous sommes à la veille du 1er mai...), donc tunnel, donc péage, donc 29,50 CHF à la société Sisex.Sa, ça ne s'invente pas, Société Italo-Suisse d'EXploitation du tunnel du Gd St Bernard. Nous descendons vers notre site d'étape à Étroubles, Val d'Aoste, hôtel Beau Séjour (+++). Nous nous replions sur la terrasse de l’hôtel pour un yam arrosé d’un vin gris local très honorable mais la température n’est pas au rendez-vous. Repas assez plantureux pour René qui oublie un peu les calories. Soupe version qui tient au corps, coniglio purée et ananas. Joue de bœuf pour moi. Nous nous enfouissons sous les couvertures et nous endormons devant un James Bond.
L'homme, propriétaire du lieu est affable. Compte tenu de nos doléances (connexion internet et chauffage), il nous gratifie d'une bouteille de vin rouge de sa production locale. Viticulteur et hôtelier, il a encore une activité d'artiste peintre et photographe. Bref, bonne adresse.
Le soleil nous accompagne jusqu'à Padova, via A. Locatelli all'Albergo Al Fagiano, à quelques dizaines de mètres de l'imposante, la gigantesque chiesa del Santo... héros de la città. Dès l'aube les dévots se pressent dans son sanctuaire dont la grandeur n'a d'égale que la hauteur. Et toute la journée, ils défileront autour du tombeau et de la chapelle des reliques, négligeant le plus souvent les merveilles (hauts-reliefs en particulier).
En attendant l'heure de la visite des Scrovegni, nous parcourons rapidement le Museo Civici où se trouve l'étonnante Marie-Madeleine repentante de Canova
Samedi 30 avril.
9:15 prêts pour de nouvelles aventures. Le soleil nous accompagne jusqu'à Padova et Giotto. L’Albergo dei fagioni est atypique. Déco par un artiste maison. Peintures, sculptures, murs et carrelages peints, grand lit confortable. Visite de la trop fameuse capella degli Scrovegni. Minutage précis. On ne perd pas de temps. Entrée à 18:45. Quand nous entrons, un groupe sort. Vidéo de présentation d’un quart d’heure alors qu’un groupe visite La Chapelle. Un quart d’heure de visite alors que les suivants sont à la vidéo, etc. Vu le prix de l’entrée, c’est une affaire qui rapporte ! Bon, d’accord, c’est pas mal. La Charité que Swann voit dans la fille de cuisine de Combray est bien là. Dîner dehors malgré trois gouttes de pluie au Pago Pago. Excellent. Pasta alle vongole et straccinelle ai frutta di mare.
Dimanche 1er mai.
Il centro storico. Il duomo et son baptistère. Vastes places très fréquentées avec terrasses moyennement accueillantes. Déjeuner de baccalà et frittura mista. La Chinoise refuse de servir le café en terrasse. Visite du palazzo della Ragione recouvert de fresques. Plafond de bois superbe et Pendule de Foucault.
Arrêt obligatoire au Caffé Pedrocchi vanté par Stendhal (le Zabaione) pour déguster un capuccino con verde di menta.
Visite de la chiesa dei Eremitani pour les fresques de Mantegna qui ont échappé au bombardement de 1944.
Proust, encore lui, connaissait les fresques des Eremitani, avant le bombardement :
"... un grand gaillard en livrée veillait, immobile, sculptural, inutile comme ce guerrier purement décoratif qu'on voit dans les tableaux les plus tumultueux de Mantegna, songer, appuyé sur son bouclier, tandis qu'on se précipite et qu'on s'égorge à côté de lui ; détaché du groupe de ses camarades qui s'empressaient autour de Swann, il semblait aussi résolu à se désintéresser de cette scène, qu'il suivait vaguement de ses yeux glauques et cruels, que si c'eût été le massacre des innocents ou le martyre de saint Jacques, il semblait précisément appartenir à cette race disparue - ou qui peut-être n'exista jamais que dans le retable de San Zeno et les fresques des Eremitani où Swann l'avait approchée et où elle rêve encore - issue de la fécondation d'une statue antique par quelque modèle padouan du Maître ou quelque Saxon d'Abert Dürer..."
La station de tram est à deux pas Nous terminons la journée par la visite de la chiesa del Santo, juste à côté de l’hôtel. Immense édifice où l’on se perd parmi les fresques, les chapelles latérales, les sépultures monumentales. Nous évitons la queue qui n’en finit pas et dont le but ultime est La Relique du saint, une langue encore souple paraît-il (sic). Nous faisons à contre-sens une petite visite au cénotaphe du saint devant lequel des fervents prient et de nouveau une queue pour toucher l’arrière du tombeau. Tous ces gens défilent sans même jeter un oeil aux magnifiques hauts-reliefs en marbre qui tapissent les murs dûs au sculpteur Veron. En sortant, René cherche sa casquette. Perdue !!! Je l’attends dans le cloître pendant qu’il court à sa recherche. Quelques minutes plus tard, il ressort avec son couvre-chef ; normal ! il santo si chiama Antonio et cette église n’est autre que celle de Saint-Antoine… de Padoue.
Lundi 2 mai.
Nous quittons Padova. Sur la place del Santo, le cavalier de bronze a perdu son chapeau. Il campe là en priant saint Antoine… Direction Piazzola sull’ Brenta villa Contarini.
Andrea Mantegna (1431-1503), Padoue-Mantoue
Padoue et sa région appartiennent à la République de Venise en ce début du quattrocento. Alors que la guerre fait rage entre la France et l'Angleterre, le Duché de Bourgogne défie ses voisins et accroît son territoire et son influence. Ennemie de la France, la Bourgogne livrera contre bonne rançon Jeanne d'Arc en 1431, l'année où naît Mantegna à Mantoue (isola di Carturo), aujourd'hui commune de Piazzola sul Brenta.
"Celui qui travaille avec talent et en est récompensé connait la force de tels encouragements..., son mérite se manifeste plus clairement de jour en jour... Celui d'Andrea Mantegna fut vite reconnu. " (les Vies... Livre IV, p. 303).
Né dans une famille paysanne, il fut envoyé à la città où il entre dans l'atelier du peintre padovan Jacopo Squarcione qui, reconnaissant rapidement ses qualités artistiques, l'adopte. Mais le peintre de la Sérénissime, Jacopo Bellini, père de Gentile et de Giovanni, le repère rapidement et vent en faire son gendre. Le projet éloignera Andrea de son père adoptif qui fut dès lors très critique sur le travail de Mantegna qui en profita pour améliorer son art. (chapelle Ovetari)