Comme on connaît ses saints, on les honore
Cette rubrique est susceptible d'être complétée à tout moment
Quatre jours passés dans les musées londonniens (National Portraits Gallery, Tate Britain, Tate Modern, National Gallery) m'ont donné envie de revoir mon iconographie chrétienne. Nous identifions de mieux en mieux les saints !!!
Un petit quizz pour vous faire partager la vie de ces pauvres martyrs ?
1. Une ou plusieurs flèches
2. Des oiseaux
3. Un barbecue
4. Un chaudron en forme de boeuf
5. Un dragon et une jeune fille
6. Un crucifix entre les bois d'un cerf
7. Un baton de berger surmonté d'une croix, un doigt tendu, un mouton
8. Une pierre dans une main et un lion
9. Un autre dragon et des anges
10. Un livre
11. Des clefs
12. Des seins sur un plat
13. Un anneau passé au doigt
14. Des stigmates
15. Des yeux sur un plateau
16. Un flacon de parfum et de longs cheveux
17. Une jeune fille accompagnée d'une troupe de jeunes vierges
18. Avec des pièces de monnaie ou une balance à peser l'or
19. Avec des lions (plusieurs)
20. Avec un chien
21. Avec un instrument de musique
22. Avec un couteau
23. Un géant avec un bâton et un enfant sur les épaules
LES RÉPONSES
1. Il s'agit bien sûr de Saint-Sébastien. C'est le plus facile à identifier. Il est toujours transpercé de flèches. Une seule ici sur ce tableau de Cima da Conegliano, mais le plus souvent plusieurs. Il est tué lors des persécutions de Dioclétien au début du IVe siècle.
2. C'est Saint François d'Assise. Les oiseaux viennent lui manger dans la main la plupart du temps. Il créa l'ordre des franciscains. Il est le patron des louveteaux et serait à l'origine de la tradition de la crèche vivante de Noël.
3. Il a beaucoup d'humour ce Saint Laurent que l'on voit griller sur le tableau de Titien (Venise, chiesa dei Gesuiti). On raconte qu'allongé sur son barbecue, il aurait demandé à ce qu'on le retourne, prétextant qu'il était assez cuit de ce côté...
4. Autre mode de cuisson : en chaudron d'airain en forme de boeuf. Sur la façade de San Stae à Venise, un bas-relief représente Saint Eustache cuisant dans son boeuf. Je n'ai pas de représentation de cette sculpture mais si vous passez à Venise, faites un effort et allez la voir. C'est un arrêt de vaporetto (San Stae).Sur la représentation qui suit, on peut voir Saint Eustache en cours de cuisson sur la droite, mais sur la gauche, nous reconnaissons aussi notre numéro 6 (voir plus bas). On a en effet attribué au n° 6 la même vision qu'à Saint Eustache.
5. Ah ! les histoires de dragon et de princesse à délivrer... Cette légende de Saint Georges a fait couler beaucoup de peinture. Toujours à Venise, ne manquez pas la visite de la Scuola di San Giorgio degli Schiavoni, riva du même nom (Castello). Un cycle complet, peint par Carpaccio, y est consacré. Sur le tableau de Carpaccio, admirez les restes épars des victimes du dragon. Sur la droite, la princesse délivrée. Un peu partout dans Venise, des bas-reliefs représentant Saint-Georges sont visibles sur les murs.
6. Hubert, comme Saint Eustache (4), a vu lors d'une chasse, apparaître un crucifix entre les bois d'un cerf ! C'est à ce moment qu'il devient Saint Hubert. On peut voir ce miracle représenté sur un chapiteau de la basilique à Vézelay.
7. Saint Jean le Baptiste. Souvent accompagné de l'enfant Jésus. Il a son baton de berger surmonté d'une croix dans une main, l'autre main avec le doigt pointé. À ses pieds, un mouton, préfiguration du futur martyre du christ. Bien que Saint Jean soit beaucoup plus âgé que Jésus, il est souvent représenté comme un enfant aux côtés de ce dernier.
À Vézelay, une statue de la façade :
Et celui de Léonard de Vinci dont nous avons déjà parlé dans un précédent article
Voir et lire l'article de Wikipedia sur la Vierge aux rochers de Vinci dont nous avons pu voir la première interprétation au Louvre et la seconde à la National Gallery de Londres.
8. Saint Jérôme. Le lion dont il a retiré l'épine du pied et la pierre dont il se frappe pour expier. Venise encore, le cycle de Saint Jérôme par Carpaccio, Scuola di San Giorgio degli Schiavoni. La plupart des représentations font référence à la Légende Dorée de Jacques de Voragine.
La pierre
Le lion
Et la version de Léonard de Vinci avec la pierre et le lion :
9. Une autre histoire de dragon, celle de Saint Michel archange. Ce dragon n'a rien à voir avec celui de Saint Georges. Il représente ici Satan en personne. Saint Michel le combat, aidé d'une armée d'anges...
10. Saint Paul, l'apôtre. Il a toujours un livre à la main (son Évangile ?)
11. Son pendant, Saint Pierre qui porte toujours les clefs du paradis, remises à lui par Jésus. C'est le premier pape. "...tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon église..."
12. Ah ! sainte Agathe, quel martyre elle a connu ! Les peintres n'ont pas hésité à faire dans le glauque... On lui a découpé les seins. Sur les images qui suivent (avant, pendant, après), l'imagination bat son plein. Elle fut guérie par notre n° 11 qui lui remit les seins en place. Elle est souvent priée par les femmes atteintes de cancer du sein. Sa mort déclencha des catastrophes naturelles, tremblement de terre, éruption de l'Etna...
Ici, les deux seins sur le plateau sont l'oeuvre de Zurbaran
13. Sainte Catherine d'Alexandrie et le mariage mystique. Catherine s'est imaginé que Jésus lui passait l'anneau du mariage au doigt. C'est ainsi qu'elle est le plus souvent représentée. Elle est née pourtant bien après la disparition de son époux supposé (vers 290). Mais avec les miracles...
Ici la version du Corrège
14. Son homonyme, Catherine de Sienne, a reçu les stigmates. On la voit les bras tendus, paumes en l'air, prête à recevoir les blessures saintes. Héroïne du XIVe siècle, elle est vénérée en Toscane
15. Une grande résistance au supplice. En effet, Sainte Lucie a subi de nombreuses tortures, dont chacune aurait dû entraîner la mort, avant de finalement succomber dans l'extase. Bien que promise au mariage, elle décide de rester vierge. On ordonne donc de la conduire dans un bordel pour la faire violer. Mais sur une intervention du Saint-Esprit, elle devient intransportable malgré l'aide de mille hommes et de mille paire de boeufs (on exagère toujours beaucoup). On l'ébouillante alors avec poix, huile et résine. On la met sur un bûcher. Mais rien n'y fait, elle vit toujours. On lui enfonce une épée dans la gorge. No way, still alive. C'est seulement lorsqu'un prêtre vient la faire communier qu'elle consent à rendre l'âme. On précise aussi qu'on lui a arraché les yeux et c'est ce qu'on voit sur le tableau de Domenico Beccafumi.
C'est la patronne des ophtalmos...
16. Notre chouchoute, Sainte Marie-Madeleine. Le flacon et les longs cheveux sont les accessoires grâce auxquels on peut l'identifier. Quand elle est au pied de la croix ou à la mise au tombeau, cherchez celle qui semble la plus hystérique, ou la plus extatique. C'est elle. Lorsqu'elle retrouve le Christ après sa résurrection, elle tend la main vers lui. C'est le fameux épisode du noli me tangere. Ici, La Lecture de Marie-Madeleine par Rogier van der Weyden (National Gallery, Londres). Même pour lire, elle a conservé son flacon de parfum, sans doute pour qu'on la reconnaisse... Un article et un album lui sont consacrés sur ce blog.
17. Sainte Ursule voulait elle aussi rester vierge. Elle fuit alors en pélérinage pendant trois ans avec 11000 de ses copines, vierges comme elle. Mais elles sont capturées et exécutées... Le chiffre de 11000 serait dû à une erreur de lecture : l'inscription portait XIMV, ce qui voudrait dire : Onze Martyres Vierges. et on l'aurait lu ainsi Onze Mille Vierges, ce qui a tout de même une autre allure pour une légende. Carpaccio, encore lui, lui a consacré un cycle que l'on peut admirer à l'Accademia de Venise.
18. Saint Matthieu. Avant d'être recruté par Jésus, il était usurier ou collecteur d'impôt. On le représente donc souvent avec une balance à peser de l'or et des pièces de monnaie. Carpaccio, toujours, le représente ainsi (Scuola de san Giorgio degli Schiavoni).
Ici, par le Caravage :
19. Daniel dans la fosse aux lions. Lui aussi en réchappe miraculeusement. Un chapiteau de la basilique de Vézelay représente cet épisode de la vie du saint.
C'est lui aussi qui aurait sauvé l'honneur de Suzanne accusée d'adultère alors qu'elle n'était que la victime de vieillards libidineux.
Ici par Rubens
20. Quand on dit Saint Roch, on ajoute "et son chien" (le mot "roquet" vient de là). Saint Roch, parti en pélérinage à Rome, soigna sur son passage les malades de la peste. Il finit par l'attraper lui-même. Pour ne pas infecter ses congénères, il se retira dans la forêt. Un chien lui apportait de la nourriture dérobée à son maître. Le maître, intrigué par ce manège suivit le chien et put ainsi secourir Saint Roch.
21. Sainte Cécile. La patronne des musiciens. Elle est presque toujours représentée avec un instrument de musique parce qu'en allant au martyre, elle entendit une musique céleste. Bien que mariée, elle voulut rester vierge (c'est courant chez les saintes).
Ici par Raphaël.
22. Il s'agit de l'apôtre Barthélémy. Sur de nombreuses représentations, il tient en main le couteau de son supplice : selon la légende, il a été écorché. Voici ce qu'en dit Jacques de Voragine, notre chroniqueur favori :
"Sur le genre exact du martyre de Saint Barthélemy les avis diffèrent : car saint Dorothée affirme expressément qu'il a été crucifié. Et il ajoute que son supplice eut lieu dans une ville d'Arménie nommée Albane, comme aussi qu'il fut crucifié la tête en bas. D'autre part, saint Théodore assure que l'apôtre a été écorché vif ; et il y a encore d'autre historiens qui prétendent qu'il a eu la tête tranchée. Mais, au fait, cette contradiction n'est qu'apparente : car rien n'empêche de penser que le saint ait été d'abord mis en croix, puis, pour plus de souffrances, écorché vif, et enfin décapité."
23. Saint Christophe ou Christophoros (qui porte le Christ)
Voici l'histoire que nous conte Jacques de Voragine : Christophe était un géant laid de douze coudées de hauteur. Il voulait servir le plus grand prince du monde. Après bien des vicissitudes, rencontre du diable entre autres, il comprit que ce prince recherché était le Christ et pour le servir, on lui proposa trois solutions :
- le jeûne mais Christophe dit que c'était au-dessus de ses forces
- la prière mais Christophe dit que ce n'était pas dans ses cordes
- se poster au bord d'un fleuve dangereux à traverser et porter les voyageurs de l'autre côté. Il accepta.
"... il vit un enfant qui le pria de l'aider à traverser le fleuve. Mais voilà que, peu à peu, l'eau enflait, et que l'enfant devenait lourd comme un poids de plomb ; et sans cesse l'eau devenait plus haute et l'enfant plus lourd, de telle sorte que Christophe crut bien qu'il allait périr. Il parvint cependant jusqu'à l'autre rive. Et, y ayant déposé l'enfant, il lui dit : "Ah ! mon petit, tu m'as mis en grand danger ; et tu as tant pesé sur moi que, si j'avais porté le monde entier, je n'aurais pas eu les épaules plus chargées !" Et l'enfant lui répondit : "Ne t'en étonne pas, Christophe ; car non seulement tu as porté sur tes épaules le monde entier, mais aussi Celui qui a créé le monde. Je suis en effet le Christ, ton maître, celui que tu sers en faisant ce que tu fais. Et, en signe de la vérité de mes paroles, quand tu auras franchi le fleuve, plante dans la terre ton bâton, près de ta cabane : tu le verras, demain matin, chargé de fleurs et de fruits". Sur quoi l'enfant disparut ; et Christophe, ayant planté son bâton, le retrouva, dès le matin suivant, transformé en un beau palmier plein de feuilles et de dattes. Ce n'était pas la fin de son voyage...
C'est le patron des voyageurs.
En référence à la mythologie égyptienne, il est parfois représenté avec une tête de chien, comme Anubis, le passeur des âmes.
Il y en a beaucoup d'autres et si vous voulez rire un peu, lisez, j'insiste, la Légende Dorée de Jacques de Voragine. C'est mieux que les contes de Perrault. Ensuite vous serez capables de reconnaître n'importe quel saint sur les tableaux des grands maîtres (pourvu qu'il ait été canonisé avant le milieu du XIIIe siècle).