"LES ROIS D'AILLEURS" de Nicolas Deleau.
Partir, voyager, fuir, tel pourrait être l'objet de ce livre poétique, universel et pour moi essentiel. Dans ce patchwork rhizomique, véritable mosaïque de destins entrechassés dont on peut se demander si les récits sont véridiques ou fictionnels, mais comme il est dit dans le livre "peu importe !". La sauvegarde de ces récits est centralisée dans un bar de Dunkerque, le Bart t'abat, où tout le monde peut écouter, où tout le monde peut raconter. Les histoires n'appartiennent à personne sauf à ceux qui les racontent et à ceux qui les écoutent. Du Bélouga en pleine mer avec le capitaine Jean, qui fuit vraiment, de Manille avec Thomas "travailleur de la nuit" et le Père Raoul, jésuite et pourtant "forme sage" du fuyard prosélyte, on rencontre Anton à Mourmansk, on partage la poésie de Fanch...
Quelques phrases extraites du livre :
"Des crabes attentifs, pinces au sol, se tiennent immobiles au dessus de leur ombre."
"..; et moi je suis resté là, à écouter les derniers adieux des bulles qui crevaient à la surface, fines et musicales - dernière danse, danse légère de morceaux d'âme."
"on voyage, et les choses changent, et à Moumansk comme ailleurs. À chaque ici, mille ailleurs nous échappent, et le temps glisse doucement, et on se perd. Les choses changent. Elles changent pendant chaque ici, à chaque ici, à chaque ailleurs de chaque ici ; et nous avec."
" Ne cherche pas dans le voyage de quoi nourrir tes livres, tu prends les choses à l'envers."
Dans le texte, une citation de Léon Paul Fargue qui est citée par le Père Raoul à
Thomas :
"tu te crois libre parce que tu pars, mais tu emportes tes pantoufles !"
Et en exergue, pouvant résumer ce livre, si tant est qu'on puisse le faire, cette dernière
phrase prise à la volée : "la mer est le chemin des fuites".
En tous les cas, Partir, c'est aussi renaître un peu...
À lire sans modération.
Podcaster l'émission d'Alain Veinstein (encore disponible, mais plus pour longtemps...), du jour au lendemain d'août 2012 pour entendre la voix de Nicolas Deleau, qui se trouve être le frère d'Anne du Siata pour ceux qui connaisse Houat. C'est Anne qui nous a mis le livre dans les mains.
Nicolas Deleau, LES ROIS D'AILLEURS, Éditions Rivages, 2012