Wagner à opéra Bastille : Siegfried
Le troisième opus de l'Anneau du Niebelung. Nous y étions, troisième rang et nous (presque) découvrions Wagner. Nous avons un peu travaillé le sujet dans la semaine qui précédait, mais c'est encore bien difficile pour nous. De 18 heures à 23 heures 30, trois actes de trois tableaux chacun.
Une mise en scène de Günter Krämer, intéressante mais parfois contestable avec un Siegfried (Torsten Kerl), merveilleux "Heldentenor", un peu trop ridiculisé à notre goût avec ses culottes courtes et ses chaussettes à rayures mal remontées et une Brünnhilde (Alwyn Mellor) dont la robe blanche un peu courte sur le devant pour ne pas entraver ses aller-retour dans les marches du décor mettait par trop en valeur les formes exubérantes. Le premier acte est magnifique et sans doute plus facile pour nos oreilles de néophytes.
Le premier tableau est contesté : nains de jardin et forêt de canabis servent de décor à un Mime qui entame le chant avec un pétard aux lèvres...
La scène de la forge : Mime, brillamment interprêté par Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, outre sa voix, a des jeux de scènes dignes des plus grands comédiens. Pour notre premier Wagner, nous aurions cependant aimé des héros casqués, une walkyrie blonde et costumée comme sur les images de légende.
Erda à qui la partition ne laisse hélas pas assez de temps pour s'exprimer par la voix magnifique de contralto de Qiu Lin Zhang
Fafner, le dragon, imposante basse (Peter Lobert) a, lui aussi un petit rôle, mais quelle voix !
N'oublions pas Egils Silins incarnant Wotan sous les traits du "Wanderer", baryton-basse.
Dans ce décor du dernier tableau, les flammes tenant Brünnhilde prisonnière viennent de trois lettres "GER". Nous venons de découvrir que ce sont les trois premières lettres de Germania, le nom qu'Hitler voulait donner à l'Allemagne... Nous attendions avec impatience de voir Siegfried franchir un énorme cercle de feu ; Monsieur Krämer a contourné la difficulté ; on retrouve Siegfried endormi près de sa belle...
Voici pourtant ce que disait le livret :
Siegfried embouche son cor et se jette dans les vagues du
feu qui descendent de la hauteur et gagnent également
le premier plan. Siegfried, qu’on n’aperçoit bientôt plus,
semble s’éloigner vers le sommet. Lumière des flammes
au plus vif. A partir du moment où le brasier atteint son
intensité la plus forte, il commence à pâlir et se dissout
progressivement en une nuée de plus en plus fine,
comme éclairée par la lumière de l’aube.
TROISIÈME SCÈNE
La nuée de plus en plus ténue s’est transformée en un fin
voile de brouillard de couleur rose puis se dissipe ;
la brume se retire complètement vers le haut et, finalement,
ne laisse voir que le ciel bleu et pur, alors qu’au bord
du rocher à présent visible (exactement le même décor
qu’au troisième acte deLa Walkyrie ) un voile rouge de
brume reste accroché, qui rappelle le feu magique qui
brûle encore au pied de la montagne. Le dispositif
scénique est exactement identique à celui de la fin de
La Walkyrie : au premier plan, sous le sapin aux larges
branches, est étendue Brunnhilde, profondément endormie,
dans son étincelante cuirasse, le heaume sur la tête,
le large bouclier la recouvrant.
Siegfried arrive de la coulisse et parvient au bord rocheux
de la montagne ; on ne voit d’abord que le haut de son
corps : dans cette position, il regarde étonné autour de lui,
pendant un long moment.
Dans la fosse, sous la baguette de Philippe Jordan, extraordinaire, quatre harpes, huit contrebasses et quelques cuivres....
Les applaudissements ont cependant prouvé que le spectacle était bon.
Léon Tolstoï a vu Siegfried à Moscou en 1898...