Belle de seigneurs de Venise

Elle fut l'une des plus célèbres de son temps, elle connut un Roi de France, des Princes et des Doges, elle côtoya des grands peintres et des grands écrivains, elle fut l'une des plus belles femmes de la Ville, elle était spirituelle et cultivée, elle composait des sonnets, elle se battit pour la défense de ses contemporaines, féministe avant l'heure. Elle fut mariée et eut des enfants avec des pères différents, elle mourut en 1591 à l'âge de 45 ans, elle s'appelait Veronica Franco, dite la Franca.

Le cinquecento (XVIe siècle) n'en est qu'à la moitié de sa carrière brillante à Venise que la petite Veronica nait dans le sestiere (quartier) du Dorsoduro et reçoit le baptême à Sant'Agnese. "Un tempérament ardent servi par une grande ténacité d'esprit, le goût des arts et des plaisirs allié à une grâce aimable, une âme généreuse éprise de justice et d'universelle harmonie" dit l'astrologue consulté par sa mère.

Dans ce livre, elle raconte sa vie. L'auteur, Michèle Teysseyre, lui prête sa plume pour écrire à la première personne : "Je suis née le 25 mars 1546 aux alentours de midi." "Le 10 avril 1560, nous étions ruinés." "Quand j'eus quinze ans, je connus le vrai visage des hommes." "Le mariage fut arrangé en toute hâte par ma mère,...il eut lieu le 12 avril 1563, un mois à peine après que j'eus dix-sept ans,...., ma mère ne m'avait-elle pas soufflé, au moment d'entrer dans l'église : "le mariage est comme un escabeau ; sans lui, impossible d'atteindre ce qu'il y a sur l'étagère ! Il convient simplement de savoir s'en affranchir à temps..."

Dès ce moment, les rencontres avec les hommes influents de la città vont la propulser au premier rang des courtisanes, non seulement pour sa beauté et son élégance mais aussi pour son esprit et sa culture. Elle éblouit, elle enflamme les têtes et les corps. Et parmi ses conquêtes, elle séduit Henri III en juillet 1574. Devenu roi de Pologne, il est rappelé par sa mère, Catherine de Médicis, pour monter sur le trône de France à la mort prématurée (!) de son frère, Charles IX. Apprenant la nouvelle, la ville de Venise, cherchant des alliés, financiers en particulier, voulut recevoir en grande pompe le nouveau roi pour s'accorder ses faveurs. En effet, la Sérénissime était sortie, certes vainqueur de la bataille de Lépante contre les Turcs en 1571, mais exsangue financièrement. Et cette date marque le début du déclin de la république. Quatre années plus tard et pendant plus d'un an, une épidémie de peste va aggraver encore un peu plus la situation économique, sans compter les milliers de morts dans la lagune... Mais dans cette tourmente de la vie vénitienne, Veronica Franco sut se préserver.

Et les années passèrent... Elle pût quitter cette vie de courtisane pour se consacrer à des œuvres charitables (la casa del soccorso, maison d'accueil de femmes en détresse) et à ses ouvrages d'écrivain. Elle reçut Montaigne en 1580 au cours de son Tour en Italie, Torquato Tasso, dit le Tasse, écrivain célèbre à l'époque dans toute l'Italie et en Europe pour sa Jérusalem libérée, (puis délivrée !). Elle eut son portrait réalisé par Jacopo Robusti, detto il Tintoretto, elle fréquenta l'atelier de Paolo Caliari, detto il Veronese,..., qui séjourna à Venise à partir de 1553 et jusqu'à sa mort en 1588 et qui fit aussi son portrait.

"Chi va coi siori more su la pagia", proverbe vénitien qui se traduit par "Qui fréquente les grands seigneurs finit sur la paille", telle était en substance la mise en garde de sa mère, "La vie est une cavale qui te mène là où elle veut, te désarçonne bien vite et te laisse trop tôt sur le bord du chemin." Mais la vie de Veronica Franco est, au contraire, un hymne à la liberté ou à la libération face à la fatalité si on ne prend garde à se laisser submerger et engloutir.

Moi, Veronica Franco, courtisane à Venise - Michèle Teysseyre - Clairsud -

ISBN 2-9524776-1-2

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