Byron et le lac de Genève d'après Timothy Shaw
BYRON, George Gordon, sixième baron (1788-1824)
Poète anglais.
Le 25 avril 1816 Byron quitta l'Angleterre pour la dernière fois après le scandale de la séparation (d'avec son épouse Annabella, fille de sir Ralph Milbanke - NdT) . Dans son grand carrosse napoléonien (construit par Baxter pour 500 livres), avec bibliothèque et un coffre de vaisselle, accompagné par le courrier Berger, le valet Fletcher, le page Rushton et Polidori comme secrétaire et médecin, Byron voyagea à travers les Pays-Bas, le Rhin et arriva au célèbre Hôtel Dejean à Sécheron, situé à la sortie de Genève sur la route de Lausanne, le 15 mai. Il fit une inscription facétieuse sur le registre de l'hôtel. Shelley, Mary et Claire Clairemont étaient déjà là ; Cette dernière se prétendait sa maîtresse. Shelley et Byron partageaient une passion pour la navigation et louèrent un bateau sur le lac. Le 1er juin les Shelley se transportèrent de l'autre côté du lac à la Maison Chapuis qu'ils avaient louée à Montalègre, en-dessous de Cologny ; le 7 juin, Byron et Shelley achetèrent leur propre bateau, un bateau à voile ouvert construit en Angleterre, acheminé à Genève depuis Bordeaux et connu pour être le premier bateau sur le lac possédant une quille. Ils ont décrit de fréquentes expéditions sur le lac. Le 10 juin, Byron loue la Villa Diodati, une superbe maison XVIIIe à Cologny, juste au-dessus de la maison des Shelley, séparée d'elle par une vigne et avec un port privé juste en-dessous. La bande des Shelley passait les soirées à la villa Diodati, Claire s'employait à renouer son aventure avec Byron, tous lisaient et écrivaient, se réjouissant spécialement des traductions françaises d'histoires de fantômes gothiques allemandes ce qui, ajouté à la violence d'une de ces nuits de tempête nocturne énorme qui éclata sur le lac démarra la célèbre compétition donnant naissance au Vampire de Polidori et au Frankenstein de Mary Shelley ‘ […] L’aspect du ciel est changé ! Quel Changement ! Ô nuit, orages, ténèbres, vous êtes admirablement forts et néanmoins attrayants dans votre force comme l’éclat d’un oeil noir dans la femme. Au loin, de roc en roc, et d’écho en écho, bondit le tonnerre animé. Ce n’est plus d’un seul nuage que partent les détonations, mais chaque montagne a « trouvé une voix et à travers un linceul de vapeurs, le jura répond aux Alpes qui l’appellent. […] Et la nuit règne : nuit glorieuse ! tu n’as pas été faite pour le sommeil ! Laisse-moi partager tes sauvages et ineffables délices et m’identifier à la tempête et à toi ! Le lac étincelle comme une mer phosphorescente et la pluie ruisselle à grands flots sur la terre. Pendant quelque temps tout redevient ténèbres ; puis les montagnes font retentir les éclats de leur bruyante allégresse. […] Cieux, montagnes, fleuves, monts, lacs, éclairs, seul avec le vent, les nuages, le « tonnerre et une âme capable de vous comprendre, vous méritiez bien que je veillasse, pour vous contempler. Le roulement lointain de vos voix expirantes est l’écho de ce qui ne meurt jamais en « moi mais, où allez-vous, ô tempêtes ? […] L’aurore a reparu avec sa rosée matinale, son haleine embaumée, ses joues rougissantes, son sourire écarte les nuages ; joyeuse comme si la terre ne contenait pas un seul tombeau, elle ramène le jour, nous pouvons y reprendre la marche de notre existence et moi, ô Léman, je puis continuer à méditer sur tes rives.(1)’ Œuvres. Le 18 juin les deux histoires étaient campées. Le 23 juin Byron et Shelley, avec un marin et un domestique partirent avec leur bateau pour un tour du lac ; Polidori qui s'était foulé la cheville fut laissé derrière. Ils s'arrêtèrent à Nernier et à Évian où Byron eut une altercation avec le maire car il n'avait pas son passeport avec lui. Le 24 juin ils passèrent devant Meillerie et ses références à Rousseau ; ils faillirent sombrer et se noyer en face de St Gingolff où ils tentèrent d'aborder (sous les yeux des pêcheurs locaux) ; ils y passèrent la nuit. Le 26 juin ils s'arrêtèrent pour visiter le château de Chillon, où l'histoire de l'emprisonnement de Bonivard enflamma l'imagination de Byron, puis à Clarens, leur Rousseau en main, ils cueillirent des roses dans le Bosquet de Julie. Entre les 27 et 29 juin, le mauvais temps les força à s'arrêter à Ouchy où ils logèrent à l'Hôtel de 1’Ancre (aujourd'hui Hôtel de l’Angleterre) et où Byron écrivit le premier jet du The Prisoner of Chillon. Ils visitèrent le jardin de Gibbon à Lausanne où ils cueillirent des feuilles de rose et un rejet d'acacia. Le 1er juillet, ils rentrèrent à la villa Diodati. Entre les 20 et 27 juillet, les Shelleys et Claire Clairemont firent leur voyage à Chamonix et à la Mer de Glace. Le 14 août, M. G. Lewis, l'auteur de The Monk, arriva à la Villa Diodati et le 20 août Byron, Shelley et Polidori furent témoins pour le testament dans lequel il rendait la liberté aux esclaves de son domaine des Indes Occidentales. Le 26 août, les vieux amis de Byron, John Cam Hobhouse et Scrope Davies arrivèrent à la villa Diodati. Le 29 août, les Shelley et Claire rentrèrent en Angleterre emportant avec eux le manuscrit du troisième canto de Childe Harold. Byron, Davies et Hobhouse partirent pour Chamonix avec deux attelages, trois domestiques et un postillon gravement incapable qui s'est avéré être le boucher local. Ils dormirent à Sallenches après que le boucher a rendu le landau inutilisable. Il est possible que c'est là que Byron barra une des célèbres inscriptions athées grecques que Shelley avait laissées dans le livre des visiteurs de l'hôtel. Le 30 août, ils atteignirent Chamonix pour dîner, ayant fait un détour dans le but de traverser à la marche le glacier des Bossons (entreprise difficile pour Byron), et s'installèrent à l'Hôtel de 1’Angleterre. Après le dînner ils reprirent la route pour voir la source de l'Arveyron. Le jour suivant, le 31 août, le temps fut si mauvais qu'ils décidèrent de rentrer à la maison et de quitter Sallenches à la nuit. Ainsi, Byron ne vit jamais la mer de Glace. le 1er septembre, ils étaient rentrés à la villa Diodati sains et saufs. Le 4 septembre, il y eut le grand match de tennis de Scrope Davies à Genève qui fut l'objet d'une publication spéciale par le Professeur Pictet. Le 5 septembre, Scrope Davies et Rushton quittèrent Genève pour Londres, s'étant levés à trois heures du matin pour marcher à Genève avec Hobhouse et pour constater que les portent n'étaient pas encore ouvertes et que la diligence était en retard. ‘So much for Geneva discipline.’ Scrope emportait avec lui ses échantillons de cristaux et d'importants manuscrits. Polidori quitta aussi la Villa Diodati au mois de septembre (il se suicida en 1822 à la suite d'une dette de jeu - NdT). Le 17 septembre Byron et Hobhouse firent un voyage des les ‘mountains’ du centre de la Suisse. Fletcher resta pour surveiller la villa et Berger les suivit comme domestique de Byron. Ils voyagèrent dans un attelage de campagne ouvert, les domestiques à dos de cheval. Ils passèrent la première nuit à Ouchy. Le 18 septembre la route était inondée près de Vevey où ils s'arrêtèrent pour voir la tombe de Ludlow ; ils firent étape aussi à Clarens et à Chillon où Byron vit le château pour la seconde fois avec pour guide un caporal sourd et ivre. Le 19 septembre, ils passèrent le Col de Jamans et dormirent à Montbovon. Ensuite, parfois à cheval, sur des mules ou dans l'attelage, ils visitèrent Thun, Interlaken, Grindelwald, la Jungfrau et les chutes Reichenbach, Brienz et revinrent au lac, à Aubonne par Berne et Fribourg. Le 29 septembre Byron et Hobhouse étaient de retour à Diodati, heureux de leur treize jours de voyage. Il existe un bon récit de ceci dans le Journal que Byron écrivit pour Augusta Leigh (sa demi-soeur - NdT). Le 1 octobre Byron dîna pour la dernière fois à Coppet où Madame de Staël l'a toujours reçu généreusement en dépit de la désapprobation sociale, et où à sa première apparition, il fut présenté à une jeune fille qui s'était évanouie en entendant prononcer son nom. Le 5 octobre, Byron, Hobhouse et les domestiques quittèrent la villa Diodati pour un voyage le long des rives du lac pour la dernière fois et pour franchir les Alpes par le Simplon, vers Milan et Venise. Les quatre mois passés par Byron sur le lac de Genève furent d'une grande importance littéraire. Pendant ce temps, il fit la connaissance de Shelley, termina le troisième canto de Childe Harold, écrivit les sonnets de Bonivard, The Prisoner of Chillon, le second acte de Manfred et d'autres poèmes mineurs. Nous avons aussi ses lettres et son journal de voyage. La Villa Diodati, construite par Gabriel Diodati entre 1710 et 1720, existe toujours ainsi que la partie inférieure de la Maison Chapuis à Montalègre où habitèrent les Shelley.